jeudi 10 janvier 2019

Une nouvelle version du King Arthur de Henry Purcell



 King Arthur de Henry Purcell





Un opéra, ou plutôt un semi-opéra de Purcell de 1691, voilà ce que nous propose l’ensemble Vox Luminis dirigé par Lionel Meunier dans un enregistrement effectué au Festival des Flandres en janvier 2018 (un album Alpha 430 de 2 CD) qui bénéficie de la compétence d’Aline Blondiau au niveau de la prise de son, gage de qualité que nous avons déjà souligné en évoquant le gros coffret du 20e anniversaire du Café Zimmermann. Après des succès critiques pour des CD consacrés à des cantates de Bach, à un couplage Haendel (Dixit Dominus)/Bach (Magnificat) ou à Buxtehude, se mesurer à King Arthur qui, au-delà de toute sa séduction instrumentale, appelle la scène et la vision directe, n’est pas une mince affaire. C’est l’expérience tentée dans un mémorable et désopilant DVD de 2009 dans lequel le Concert spirituel et son chef Hervé Niquet n’avaient pas hésité à faire appel au couple comique Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino ; cette production délirante, qui est aussi une adaptation assez libre, faisait mouche par son originalité et par un décalage qui donnait à l’action, aux airs et ballets un côté jubilatoire. C’est une option, à laquelle on peut ou non adhérer. 

Avec Vox Luminis, nous sommes dans un registre plus « traditionnel », sans délire ajouté. Il faut savoir que la discographie de King Arthur, dont l’intrigue repose sur  la rivalité dudit Arthur, roi des Bretons avec Oswald, roi saxon, pour conquérir la fille du duc de Cornouailles, compte des noms prestigieux : Deller, Pinnock, Gardiner, Christie… C’est dire que le niveau est élevé. La difficulté consiste aussi dans le fait que la partition autographe de Purcell a disparu, que son impression eut lieu après le décès du compositeur et qu’au fil du temps, des sources diverses sont apparues pour créer une certaine confusion. 

On parle de semi-opéra parce que le livret, que l’on doit au poète et dramaturge John Dryden (1631-1700), est en réalité un drame qui comporte une musique de scène, ce qui fait de ce projet en cinq actes dans lequel airs, chœurs et danses tiennent une place importante, un ensemble hybride qu’il est nécessaire de dynamiser. Le nombre de protagonistes est par ailleurs important. Lionel Meunier a opté pour une limpidité et un éclat de tous les instants, soulignant les qualités plastiques de ses troupes, avec une économie de moyens qui fait mouche. Ceci n’entraîne pas de chute de tension, celle-ci étant toujours compensée par une fluidité sans cesse relancée. Les instrumentistes sont sans reproche. Quant aux solistes, ils proviennent du chœur ; c’est une heureuse initiative, ils sont non seulement de qualité (ne citons que la soprano hongroise Zsuzsi Toth, qui, dans l’air de Vénus, nous réserve un moment d’une plénitude pleine de grâce), mais ils sont de plus investis dans leur engagement vocal avec une joie qui se ressent et se révèle payante. 

Nous demeurons persuadé que cette partition est plus destinée à la scène qu’à l’écoute sur CD, mais la réussite de Lionel Meunier et de l’ensemble Vox Luminis se situe dans une occupation cohérente de l’espace sonore et dans cette volonté commune de servir une musique de qualité. Cet album vient s’inscrire en bonne place dans la discographie de King Arthur.

                                                                                                                  Jean Lacroix