mardi 1 août 2017

Imaginaires


C’était avril 2017 dans le ventre de Paris. 

Rien ici ne subsiste du roman de Zola hormis ce que chacun de nous, lecteurs, en avons conservé dans le souvenir nourri de ces pages tellement inspirées qu’elles ne nous ont jamais quitté. Il suffit d'un effleurement de lumière sur un toit, d'une odeur chaude exhalée par la bouche du métro, de la hâte d'un enfant triste pour que le sentiment de cette lecture ancienne nous submerge, intact et puissant.

Les pierres de Saint-Eustache, là-bas dans le contre-jour, ont-elles, elles aussi,  imprimé dans quelque secrète mémoire, les cris des métayers, les plaintes des chevaux, la famine des miséreux, la fatigue glacée des sans-abri ? 

Je vois cet homme qui fouille dans une poubelle, cette femme qui fait les cent pas sans destination, ces enfants qui guettent une proie. 

Ils ont donc, en ne cessant de tuer le temps,  traversé les siècles ?

Jean Jauniaux
Saint-Avit Août 2017

©Jean Jauniaux, Paris avril 2017


« Entre les arêtes fines des piliers, ces minces barres jaunes mettaient des échelles de lumière, qui montaient jusqu’à la ligne sombre des premiers toits, qui gravissaient l’entassement des toits supérieurs, posant dans leur carrure les grandes carcasses à jour de salles immenses, où traînaient, sous le jaunissement du gaz, un pêle-mêle de formes grises, effacées et dormantes. Il tourna la tête, fâché d’ignorer où il était, inquiété par cette vision colossale et fragile ; et, comme il levait les yeux, il aperçut le cadran lumineux de Saint-Eustache, avec la masse grise de l’église ». 
("Le ventre de Paris », Emile Zola, 1873)