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jeudi 15 septembre 2016

Daniel Simon: une voix à écouter, à lire, à entendre, à partager


Hors de moi" 
Texte de Daniel Simon dit par Christine Mordant

Création par Christine Mordant 
les 16, 17, 18, 21, 22, 23 septembre 2016. 

Si dans le prolongement de “Mons 2015", vos pas vous conduisent  dans le Museum des sciences naturelles, votre regard se portera sur le squelette conservé du plus grand des Montois,  Julius Koch, “le géant Constantin”, 258 cm.
Si vous vous y trouvez entre le  16 au 23 septembre 2016, vous y entendrez la voix de Daniel Simon, répercutée par celle de Christine Mordant, disant, jouant, clamant cette "Parole" dont le titre est "Hors de Moi".


Je n'aurai pas l'occasion de voir le récital mais Daniel Simon m'a donné l'occasion de lire le texte (qui sera publié aux Editions TRAVERSE, dans la collection Carambole) et d'ainsi m'imprégner de cette force que ce poète réussit toujours à insuffler à toutes les révoltes qu'il nourrit, les simagrées qu'il déteste, le tout-venant qu'il abhorre, le théâtre qu'il encense, la radio dont il a la voix. Il nous promis un enregistrement de la première de ce spectacle, dont je me réjouis de partager avec vous quelques extraits sonores pour vous convaincre d'aller y voir (écouter) de plus près.

La genèse de ce texte est celle d'une rencontre, d'un triangle vertueux entre le squelette d'un "monstre forain" comme on appelait ces pauvres êtres exhibés au regard contre quelques sous, un écrivain-poète et une comédienne. Christine, Julius et Daniel, ils devaient se relier d'une manière ou d'une autre ces trois-là!

Daniel Simon: "Lorsque Christine Mordant m’a parlé tout simplement d’un projet qui lui tenait à coeur, l’aventure de vie de Julius Koch, ce “grand homme”, pour lequel elle me demandait d’écrire “La femme du grand homme”, j’ai dit oui, évidemment..."
Christine Mordant: "A Mons, au Muséum des Sciences naturelles, le sept novembre deux mille quatorze, pour la première fois, je rencontre un grand homme, un homme grand, Julius Koch.
Chamboulement.
A Nouvelles, au cimetière, le dix-huit octobre deux mille quinze, un singulier cortège funèbre accompagne l’ef gie de Julius à l’endroit fatal de son incinération. Moi, improbable mariée, prise dans un drôle de jeu, je ne dis mot.
Il aura fallu presqu’une année de plus pour qu’en n, par l’entremise de mon ami Daniel, j’extirpe “Hors de moi” les mots du chamboulement.
Julius Koch: ...
Christine Mordant: "A Mons, là où tout a commencé, en septembre 2016, je vous les dirai à vous, spectateurs, ces mots destinés à Julius puisque Julius n’est plus... Quoique..." 
Julius Koch: ...

Il restera silencieux l'immense squelette témoin de ce que peut inspirer au poète humaniste ce bonheur de pacotille et "d’écrire la parole de cette femme qui se retrouve un jour devant cette question, grand, grande, petit, petite, qui suis-je ?" 
Cette femme qui s'exclame au détour d'un vers, "grand homme va-t’en plie-toi ramasse tes frusques de bonheur".

Je n'ai pas vu le spectacle, ni entendu la voix hors d'elle, hors du texte, mais le lisant, comme de toute poésie, j'ai construit une imagerie hantée par ces mots de la femme du grand homme, et puis cette image qui nous renvoie à notre humaine énigme, d'un homme montré monstre à ces spectateurs miroirs qui se pressaient sous un chapiteau et s'exclamaient l'angoisse de se découvrir pires monstres que celui-là...

Poésie-métaphore: faut-il y voir notre besoin pressant de juger, de jauger, de préjuger ce qui nous inquiète chez nos frères humains, la (prétendue) menaçante (prétendue) différence?

Edmond Morrel, Bruxelles le 15 septembre 2016
pendant qu'à Mons vont bon train les répétitions afin que ce texte vous sont idéalement donné.

vendredi 30 octobre 2015

"J'habite un pays fantôme" une pièce de Kenan Gorgün mise en scène par Daniel Simon



C'est à partir de trois de ses récents livres que le romancier et réalisateur Kenan Gorgün a composé la pièce "J'habite un pays fantôme" , mise en scène par Daniel Simon.
Nous avions rencontré l'écrivain belgo-turc à la sortie du premier volet de ce qui deviendra une trilogie: "Anatolia Rhapsody" (Editions Vents d'Ailleurs). 
Nous sommes allés au théâtre "Le Public", à Bruxelles,  voir la pièce qui sera, à nouveau jouée en janvier à Liège.

De Kenan Gorgün nous savons qu'il est écrivain (sa première nouvelle publiée l'a été dans la revue littéraire MARGINALES  qui exerçait là avec on ne peut plus de justesse sa vocation de découvrir et de valoriser de nouveaux talents), qu'il est scénariste (primé) de cinéma et réalisateur. Avec "J'habite un pays fantôme", nous découvrons deux nouvelles  facettes de cet auteur protéiforme: comédien et dramaturge. 

Cette pièce, mise en scène par l'écrivain Daniel Simon (dont on doit une nouvelle fois déplorer le peu d'intérêt et d'attention que son oeuvre d'écrivain et son travail d'éditeur rencontrent parmi les critiques et observateurs de la vie littéraire) met en scène trois personnages. Le premier est le double de Gorgün (et joué avec une maturité étonnante dans le jeu de comédien)   jeune homme turc, écrivain en devenir, s'essayant à créer un univers, persuadé que l'écriture lui donnera les clés de compréhension du destin qu'il veut se donner et lui permettra de sortir du carcan de la tradition familiale - celle de sa famille d'origine ancrée au village d'Anatolie dont elle est issue depuis des générations. Le deuxième est le personnage qui naît de ses premières tentatives romanesques, mais en même temps le  miroir  de ce que l'écrivain voudrait devenir interprété par le comédien Othmane Moumen,. Ce dernier, grâce à un un  jeu subtil, nuancé et toujours juste, fait apparaître les doutes qui entourent le projet de son créateur, les difficultés qu'il y a à sortir de la feuille de papier et des mots pour s'arracher à son destin, prendre la route, aller à la ville d'abord, puis plus loin, à l'étranger, chercher un pays d'accueil pour y vivre, pour y écrire, pour y épanouir son identité et la libérer de la pression des traditions de la Communauté, du village et de la famille. Celle-ci est incarnée par le troisième personnage, un mannequin représentant le père, le Pater Familial devrions-nous dire, présence muette et oppressante dont il faut bien se détacher pour vivre, mais qui reste toujours, immobile et silencieuse comme le subconscient, dans un retrait obscur de la scène et de la vie, de la réalité et du rêve.

Gorgün assume avec émotion le risque d'une certaine fragilité. Après tout, il joue doublement sur scène: à la fois sa vie et son texte. En cela, Daniel Simon a fait des miracles de dramaturgie. Le lieu scénique (au Public la pièce se joue dans la petite salle, au sous-sol) est nu hormis côté Jardin, une table à repasser et, côté Cour, une table, une chaise et une machine à écrire. Chaque lieu est investi d'une fonction symbolique - le village d'un côté, le rêve de l'autre - . Le père, assis sur un tabouret haut, comme un arbitre des destins, veille sur la ligne de partage entre les deux mondes, cette ligne de fracture qu'alternativement l'un et l'autre des protagonistes essaient de franchir. Le travail irremplaçable sur la lumière,  la musique, le chant (Gorgün, dans un moment particulièrement émouvant de la pièce, psalmodie un chant populaire dont l'écho n'a pas de sitôt cessé de nous envoûter) contribuent à faire de cette pièce une réussite tout à fait originale, née de la qualité du jeu, et, à n'en pas douter, de la complicité entre l'écrivain et le moteur en scène.

Si vous n'avez pas eu l'occasion de voir cette pièce à Bruxelles, prenez date pour les représentations qui auront lieu à Liège en janvier 2016. 


Edmond Morrel, au Théâtre Le Public, le 30 octobre 2015



Nous avions interviewé alors Kenan Gorgün: cet entretien est bien sûr toujours accessible sur la webradio www.espace-livres.be  .

Voici ce que nous écrivions à propos du livre:

"Ce récit hors normes apporte un regard d’écrivain sur l’immigration turque en Belgique dont on commémore le cinquantième anniversaire. Appartenant à la deuxième génération, Gorgün aborde - pour la première fois dans son oeuvre de cinéaste et d’écrivain - un vécu qu’il nous restitue dans toute sa vérité et sa complexité. En filigrane, le portrait émouvant et sensible de son père et de sa famille emprisonnés dans la nostalgie et l’"exil immobile". On dit parfois que seule l’écriture littéraire dévoile vraiment la part de l’indicible : Gorgün en fait une bouleversante démonstration."
Edmond Morrel