mardi 2 avril 2019

Daniel Simon: la poésie comme lumière



La poésie comme lumière

 "Au prochain arrêt je descends"
Daniel Simon

Éditions Les Carnets du Dessert de Lune



A lire la bibliographie de Daniel Simon dont des extraits figurent en ouverture de son dernier recueil de textes poétiques,  Au prochain arrêt je descends , on se dit qu’il y a là déjà le premier poème du recueil tant les titres reflètent déjà la lumière qui va nous envelopper lorsque nous aurons achevé le volume et que nous aurons aspiré les embruns de la dernière ligne, ce départ vers nulle part (…) au loin vers les brisants. »
Nous l’avons lu d’une traite ce recueil de textes dont plusieurs nous ont invité à les relire, à en extraire pour s’en imprégner davantage encore , les paysages intérieurs qu’ils évoquent et dont nous nous rendons compte, sidérés, qu’ils sont nôtres. Il y a, de page en page renouvelé, ce mystérieux envoûtement qui nous donne à penser que , lisant, nous écrivons avec le poète ce qu’il nous dit de lui, mais aussi de nous. Nous nous devinons assis à côté du poète lorsqu’il observe le monde, mais surtout les hommes, les femmes, les enfances qu’il évoque en nous les murmurant : Ecrire et les voici, deux phrases, un mot, surgis du calme paysage de l’oubli. Un chagrin parfois, la cicatrice d’une trahison, d’une honte, d’un amour si discret qu’il ne fut jamais nommé, des bruits, des fugues, des bleuets au seuil des forêts.
C’est ainsi que s’achève le poème d’ouverture du recueil, comme une invitation à déjà faire quelques pas au début du chemin qui nous attend, fait de la musique des évocations qui, à chaque page, trouvent leur rythme propre qui prend l’amble avec le nôtre, avec nos nuits ou la mémoire que nous avons de certaines d’entre elles Des nuits de rêves, de cauchemar, de visions, d’éclats, de tumultes/ et l’on se tend vers l’aube épuisés de quitter le ring des sommeils douloureux (…)/, de l’enfance dont Daniel Fano dit si bien, en quatrième de couverture, qu’elle n’est  pas forcément la sienne. Toujours celle du monde. On cherche des repères on trouve des repaires où réfugier, dans les formulations qui nous sidèrent par leur complicité, les indignations et les chagrins, les bonheurs effleurés et les tendresses enfuies, des images à la fulgurance inaccessible, qu’elle soit de beauté ou de détresse, comme celle de cet homme effondré/la pluie avait lavé la craie devant lui/une histoire liquide coulait/dans le caniveau (…). Nous l’avons croisé cet homme effondré tant de fois, au détour des rues de la ville et voici qu’enfin il nous est dit, tel qu’il est et tel que nous voulions le voir et le serrer dans nos bras, tandis que nous allions/en nous hâtant vers la maison/le soir et le bruit des familles.
Nous feuilletons le livre en écrivant ces quelques lignes qui voudraient tant donner l’envie de partager et de dire l’émotion tellurique qui nous envahit. Ainsi nous n’étions pas seul devant le spectacle du monde à nous demander comment en alléger les peines, ainsi nous allions, sans le savoir, du même pas sur les chemins bouleversés de l’enfance, ainsi nous traversions les mêmes obscures nuits accablées d’insomnie, ainsi nous parcourions en sautillant sur des sentiers secrets/au plus près des beautés des jardins, ainsi nous pleurions ensemble de rage et de colère et d’impuissance en voyant les images de la barque (…) cousue de bras morts…
Nous avons coutume de déplorer l’absence d’engagement de la pensée pour décrypter le naufrage du monde et des hommes. Nous avions négligé la force du verbe poétique. Daniel Simon, dans le sillage des plus grands de ses frères poètes – de Villon à Prévert – nous invité à retrouver la fragile puissance de la poésie. Nous ne sommes plus seul sur le champ de bataille à faire résonner les cris plutôt qu’à les escamoter.

Jean Jauniaux, le 30 mars 2019 

 Le site de l'éditeur : https://www.dessertdelune.be  


Au prochain arrêt je descends
Daniel Simon
Editions Les Carnets du Dessert de Lune
ISBN 978-2-930607-51-1
92 pp
14€