jeudi 18 avril 2019

Michele Mariotti: les ouvertures de Rossini

Pour Michele Mariotti, chaque ouverture de Rossini est un monde en soi


Le label Pentatone a confié à Michele Mariotti un programme d’ouvertures de Rossini qui a été enregistré en mai 2018 dans la bibliothèque du couvent San Domenico de Bologne. C’est un enchantement de la première à la dernière seconde !

Le lien vers le CD

La cité fortifiée d’Urbino, d’architecture renaissance, a été surnommée l’« Athènes de l’Italie ». Montaigne y fait allusion dans son Journal de voyage en Italie qui date de 1580-1581. C’est là que le peintre Raphaël a vu le jour en 1483 et que Piero della Francesca a passé quelques années au service des seigneurs du lieu, dont il a laissé de mémorables portraits. C’est là aussi qu’est né en 1979 le chef d’orchestre Michele Mariotti. Urbino n’est qu’à 35 kilomètres de Pesaro, berceau de Gioacchino Rossini (1792-1868). C’est donc en toute logique que Mariotti a étudié la composition au Conservatoire Rossini de la ville portuaire et y a appris la direction d’orchestre à l’Accademia Musicale sous la tutelle de Donato Renzetti. Il a fait ses débuts dès 2005 dans Le Barbier de Séville à Salerne ; on a pu se rendre compte dès 2008 à l’Opéra Royal de Wallonie de ses qualités exceptionnelles dans le répertoire rossinien, auquel il s’est déjà beaucoup consacré. Il est revenu dans la cité ardente en 2018 pour une Donna del lago qui a rencontré un franc succès, opéra qu’il avait dirigé trois ans auparavant au Metropolitan de New York, avec Joyce DiDonato, étincelante (le DVD est disponible). Nommé chef principal de l’Orchestre du Teatro Comunale de Bologne où il a œuvré dès 2008, il en a été le directeur musical de 2015 à 2018, tout en se produisant à la tête de maintes formations prestigieuses.
Le label Pentatone (PTC 5186 719) a confié à Michele Mariotti un programme d’ouvertures de Rossini qui a été enregistré en mai 2018 dans la bibliothèque du couvent San Domenico de Bologne. C’est un enchantement de la première à la dernière seconde ! Bien entendu, nous avons dans l’oreille les références discographiques que constituent les approches du légendaire Toscanini, de même que celles d’Abbado, Giulini, Chailly ou Muti, voire même le geste flamboyant de Fritz Reiner qui rivalise avec les baguettes italiennes. Mariotti vient rejoindre sans peine ce palmarès de haut niveau. Le programme du présent CD est constitué de neuf ouvertures qui couvrent à peu de choses près la totalité de la carrière lyrique de Rossini, de 1812 (La Scala di seta) à 1829 (Guillaume Tell). C’est intelligemment construit, car on peut suivre presque pas à pas l’évolution du compositeur et l’utilisation qu’il fait de toutes les ressources instrumentales. Mariotti accorde une importance égale à toutes ces ouvertures, faisant de chacune d’elles un monde en soi, ciselé avec art, finesse et virtuosité. On éprouve un vif plaisir à écouter cette série d’airs connus comme si on les entendait d’une oreille neuve, avec de superbes sonorités, du rebond, de la clarté, du rythme dosé avec élégance et fluidité, dans un contexte où tout est calibré avec justesse et joie de vivre. Qu’il s’agisse du Barbier de Séville, aux couleurs précises, de la sautillante Italiana in Algeri, du dramatique Siège de Corinthe, de la malicieuse Pie voleuse ou d’une Matilde di Shabran moins médiatisée, mais si théâtrale, et de deux ou trois autres qui participent à la fête (ah ! les effets glorieux de Semiramide), on est happé et séduit. Car tout cela chante et se déploie avec un raffinement de timbres et une brillance qui ne s’estompent jamais. L’Orchestre du Teatro Comunale de Bologne met un soin extrême à exposer la qualité et la précision de ses différents pupitres (avec des moments d’une plasticité confondante) pour mieux faire savourer leur verdeur, leur équilibre et leur énergie. Voilà un CD emballant qui s’achève par un Guillaume Tell noble et héroïque à souhait, transformé en vaillante épopée. 

La vision de Mariotti est une référence moderne qui doit entrer dans toute discothèque, d’autant plus que la prise de son est superbement définie et rend justice aux subtilités du génie rossinien. 

Jean Lacroix