L’Ode à Sainte Cécile de Haendel par le Dunedin Consort
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Fondé en 1995, le Dunedin Consort tient son nom de
l’ancienne appellation celtique du château d’Edimbourg, le Din Eydin. Cet
ensemble baroque a rapidement acquis ses titres de noblesse à travers des
émissions de la BBC, mai aussi par le biais d’enregistrements d’œuvres de
Monteverdi, Bach, Mozart ou Haendel, salués avec faveur par la critique. Cette
fois, c’est encore à des partitions de Haendel qu’il s’attache, dans un CD Linn
(CKD 578) enregistré au Festival de Cracovie Misteria Paschalia de 2018, ce qui
lui permet de s’adjoindre les forces du remarquable Chœur de la Radio
polonaise. Au programme, l’Ode à
Sainte-Cécile, patronne traditionnelle des musiciens.
Cette œuvre splendide
date de 1739 ; elle a été créée la même année, à Londres, le 22 novembre,
jour de la fête de Sainte-Cécile, au cours d’un concert qui vit la reprise de
l’ode fastueuse Alexander’s Feast,
composée en 1736, qui saluait déjà la sainte ; quelques concerti
complétaient l’audition. La musique joue un rôle fondamental dans l’harmonie de
l’Univers, c’est ce qu’exalte Haendel, avec des textes issus d’un poème éponyme
de Dryden écrit en 1687. S’il parle avec foi de la nature, c’est bien parce
qu’il écrit une partition riche en couleurs, dont l’inspiration se maintient
tout au long de trois bons quarts d’heure, avec une alternance de pièces
instrumentales, d’arias et de passages choraux. On ne compte plus les réussites
discographiques pour cette pièce lyrique dont le charme, la pureté et
l’expressivité envoûtent l’auditeur. Harnoncourt, Willcocks ou Pinnock s’en
étaient emparés avec une réussite totale, maintenant l’architecture globale
dans la transparence, la concentration et la ligne voulues. John Butt, le
leader du Dunedin Consort, s’inscrit aisément
dans cette grande tradition, il emporte le tout dans l’enthousiasme et
la ferveur, dans la délicatesse ou la modération, avec des rythmes incisifs ou
des richesses émotionnelles sans cesse renouvelées.
Le travail des chœurs
polonais emporte l’adhésion à travers l’engagement fourni et le relief des
interventions. A tout cela s’ajoute le choix des deux solistes. Là aussi, on se
régale. Ian Bostridge est sensible, la voix est claire, son intonation est
naturelle et si équilibrée qu’elle en devient exemplaire. Quant à la soprano
Carolyn Sampson, en état de grâce (comme elle l’est la plupart du temps dans la
musique baroque), elle exprime tant de finesse, d’humilité et de séduction de
timbres, avec un léger vibrato maîtrisé, qu’elle s’immisce dans notre cœur pour
mieux l’étreindre. Le mouvement final, d’une fluidité et d’une ductile
souplesse, permet aux chœurs polonais de se surpasser dans un élan irrésistible
qui clôture l’oeuvre avec panache. Ah, le beau disque à thésauriser! Il
traduit à merveille le propos de l’exaltation de la nature, mais aussi et
surtout celle de la musique. En complément de programme, le concerto grosso
opus 6 n° 4, qui fait partie de ce que l’on peut considérer comme le chef-d’œuvre
haendelien dans le domaine orchestral, est servi par les instrumentistes du
Dunedin Consort avec une virtuosité sans failles. C’est un bien bel hommage qui
leur est ainsi rendu.
Jean
Lacroix