Nous poursuivons la re-publication d'entretiens de Jacques De Decker avec différentes personnalités du monde de la pensée, de l'art, de la littérature. Il s'agit parfois, comme ici, de rencontres que nous avions suscitées à l'occasion de la parution d'un ouvrage qui piquait la curiosité de l'auteur des "Philosophes amateurs". Pour écouter l'enregistrement, il suffit de se rendre sur le site de la web radio espace-livres ou sur "soundcloud"
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Jean Jauniaux 13 mai 2020.
Texte paru lors de la première publication de cet entretien:
A l’occasion de la parution chez L’Harmattan,
dans la collection "Ouverture philosophique" de l’essai
"Liberté", nous avons enregistré une rencontre entre l’écrivain
Jacques De Decker et le philosophe. Un entretien érudit, complice et accessible
s’est immédiatement entre les deux humanistes, que nous vous proposons
d’écouter
Jean Jauniaux. 27 février 2018.
Sur le site de Guy Walch, figurent de multiples indications sur le
livre, sa genèse, ses prolongements. Le site est nourri des multiples pistes
que continue d’explorer le philosophe.
Spinoza reconnait que l’état et les perspectives d’évolution de la
société, soumise à ce point aux passions négatives, excluent d’envisager, dans
un horizon temporel crédible, l’instauration d’une société de sages,
d’individus libres au sens où il l’entend. C’est-à-dire au sens où le degré de
liberté est fonction directe du degré de connaissances adéquates et du degré de
libération de la servitude des passions négatives.
Il constate en revanche que ce sage doit plutôt vivre dans une cité
policée, respectant la liberté d’expression et d’opinion de tous, que d’essayer
de survivre en marge. Il doit contribuer solidairement au bien de tous et en
conséquence œuvrer avec les diverses composantes idéologiques ou religieuses de
la société et les institutions pour parfaire le mieux possible l’état commun.
Cette solidarité se fonde sur l’amour intelligent des autres, base en
principe partagée par toutes les religions ou courants d’idées, à la seule
exception des institutions tyranniques et des formations microfascistes.
Spinoza pense dès lors que l’accord de tous au principe de l’amour universel
suffit à garder à distance les diverses tyrannies nourries de ces vérités
uniques qui dégradent les religions (et aujourd’hui les idéologies) en laissant
libre cours aux jeux de pouvoir…
Liberté s’inscrit pleinement dans ces propositions. Ce n’est pas
seulement par défaut de l’humain que l’injonction de l’amour universel
s’impose. Elle est beaucoup plus fondamentale. Si la connaissance adéquate du
second niveau (les notions communes) n’est partagée que par un très petit
nombre, même si ce nombre peut croitre, son poids majoritaire reste très
improbable.
Les divergences autour de la table du dialogue ne se limitent pas à
celles de la diversité des visions du monde. Rechercher le consensus sans
ignorer le dissensus ne se suffit pas d’un vague programme commun, panachant
diverses recettes du bienvivre ensemble. L’intelligence de la coïncidence
dissensus-consensus relève du troisième niveau de la connaissance.
C’est-à-dire, pour Spinoza, de la double certitude intuitive de l’inter
causalité universelle des modes dans la durée et de la teneur unique des choses
singulières sous regard d’éternité. Or plus j’intellige adéquatement les choses
singulières plus je les aime adéquatement. C’est-à-dire par un amour visant
l’infini sans rien en connaitre, sinon le scintillement des choses singulières.
L’intelligence de l’infini comme tel — tout le réel comme l’infiniment infini —
reste définitivement impossible. « Plus j’intellige les choses singulières,
plus j’intellige l’infini » est le leitmotiv de Liberté.
Quelle leçon politique en tirer ?
La politique n’est jamais que l’art de diriger les peuples sous
l’emprise des passions. L’impossible république des sages n’aurait nul besoin
d’institutions politiques.
Dès lors, cet art de diriger un peuple sous l’emprise des passions doit
s’appuyer sur cette double intuition.
En premier, le développement de la connaissance la plus adéquate possible
— suivant en cela l’approche des sciences — de l’inter causalité universelle
des modes dans la durée (l’empirie). Ce qui implique d’écarter toutes les
vérités uniques du débat public.
Liberté envisage même d’étendre le principe de laïcité entre les églises
et l’État à une séparation d’avec toutes les idéologies, religieuses ou autres.
Parce que toutes impliquent une dépendance d’arrière-plan, hors de portée d’un
savoir adéquat. En revanche, la diversité des opinions religieuses ou
idéologiques doit pouvoir s’exercer librement dans le forum public et dans les
institutions représentatives, sans pour autant monopoliser le pouvoir exécutif.
Le principe du dissensus-consensus doit toujours s’y exercer.
En second, l’intelligence de la teneur unique des choses singulières
enjoint l’égalité de l’être de toutes choses, au-delà la puissance respective
de leur nature. En cette égalité réside le socle primordial de la démocratie.
La souveraineté est indissociable de la singularité. Déléguée à l’aune de
l’utile, mais jamais accaparée ! Il en découle que toutes les choses concourent le plus directement
possible au processus politique. Un écosystème global est visé.
Guy Walch
Sur le site de l’éditeur vous trouverez toutes les références pour
commander l’ouvrage
Lire Spinoza au XXIe siècle en relisant une vie contemporaine ? C’est
se résoudre à regarder le monde sans fausses craintes ni faux espoirs. Amender
les évidences, les opinions savantes et publiques. Regarder le monde en
comprenant que chaque chose y est singulière. Plus les choses singulières sont
intelligées, plus la nature infinie l’est. Ce thème éclaire les rapports entre
imagination et connaissance, durée et éternité, ou encore écologie globale et
nature de la liberté. On ne peut ni connaître ni donc aimer l’infini comme tel,
seulement les choses singulières connaissables, dans la proximité immense de la
part d’univers de l’homme.
Guy Walch, né en 1933 à Zürich, de nationalité suisse, s’est formé à la
philosophie et la théologie lors de ses études, avant de devenir libraire dans
une grande librairie bruxelloise. Après diverses fonctions éducatives,
techniques, commerciales et de direction chez IBM-Belgique et deux affectations
à l’étranger (Etats-Unis et France), il consacre, depuis 1992, sa retraite à l’étude
et à l’écriture.