Le bassoniste hollandais Bram van Sambeek, né en 1980, a effectué ses
études au Conservatoire Royal de La Haye ; il a aussi suivi des masterclasses
de Klaus Thunemann et de Sergio Azzolini. De 2002 à 2011, il a été premier
bassoniste du Philharmonique de Rotterdam, avant d’être invité par divers
orchestres (premier récital avec le Concertgebouw d’Amsterdam en 2013) et de se
consacrer de plus en plus à la musique de chambre. Il a été le premier
bassoniste à être récompensé par le prix culturel hollandais le plus élevé, le
Dutch Music Prize. Il enseigne à l’université de musique de Cologne. Un nouveau
CD sous étiquette du label BIS (2467), pour lequel van Sambeek a déjà gravé des
concertos de Kalevi Aho et Sebsatian Fagerlund (deux autres CD ont paru chez
Brilliant), rassemble trois concertos, dont une création mondiale.
Ceux de Mozart et de Weber figurent parmi les chevaux de bataille du
répertoire du basson. Mozart compose le sien en 1775, au cœur duquel la mélodie
s’épanouit de manière dynamique et équilibrée. Bram van Sambeek, qui signe
lui-même la notice, précise que « les premier et troisième mouvements
sont extrêmement enjoués avec des sauts idiomatiques et des passages staccato
dans la partie solo et des échanges impertinents entre l’orchestre et le
basson. » Il rappelle que le compositeur savait souligner les
contrastes en prenant au sérieux l’instrument, mais en utilisant aussi ses
ressources légères et humoristiques. C’est ainsi que van Sambeek aborde ces
trois mouvements dont il cisèle tour à tour les aspects virtuoses, rêveurs ou
chantants. Le concerto de Weber, dont Mozart avait épousé la cousine,
Constance, a été élaboré en 1811, puis révisé en 1822, en particulier l’Allegro
initial. L’essence de cette partition est essentiellement romantique ;
l’aigu est très souvent sollicité, mais Weber utilise à merveille « les
côtés mystérieux et caverneux du timbre de l’instrument, ainsi qu’une tendresse
et une dignité mêlée à un curieux pathos » (John Warrack, Carl
Maria von Weber, Paris, Fayard, 1987, p. 145). Le côté théâtral n’est pas
oublié non plus et Bram van Sambeek pense que certains côtés militaires
pourraient être imprégnés de l’écho des batailles napoléoniennes. Le bassoniste
parcourt ces trois mouvements, à la fois charmants et excitants, avec une
virtuosité sans failles et une expressivité qui n’est pas sans rappeler celle
que Klaus Thunemann insufflait à ce concerto dans une version de référence de 1989
avec Neville Marriner (un CD Philips).
En complément de ces deux partitions-phares du basson, on découvre en
première mondiale discographique un concerto de 1812 d’Edouard Du Puy. Né vers
1770 près de Neuchâtel, ce chanteur (il avait du succès dans Mozart),
compositeur, metteur en scène, gérant d’un magasin de musique et violoniste,
avait étudié le piano avec Jan Ladislav Dussek à Paris et le violon, son
instrument de prédilection, avec François Chabran, pédagogue reconnu. Du Puy
voyagea beaucoup en Europe et vécut à Copenhague et à Stockholm. Mais à côté de
la musique, il mena une existence aventureuse, notamment dans le cadre de
liaisons amoureuses avec des princesses ou des maîtresses de princes ; il
connut trois fois le bannissement. Il put malgré tout regagner la Suède où il
fut nommé chef de l’Opéra Royal de Stockholm, cité dans laquelle il décéda en
1822. Son concerto pour basson est une belle découverte : accents dramatiques
et martiaux, agilité des timbres, ornementation habile, thèmes acrobatiques…
Les ressources de l’instrument sont poussées à l’extrême des capacités aigües
et graves. Les interactions avec la clarinette sont nombreuses. La partition de
Du Puy est en tout cas des plus plaisantes, et n’a pas à rougir de la compagnie
de Mozart et de Weber. On ne peut lui faire meilleur compliment, d’autant plus
que van Sambeek l’empoigne avec cette facilité qui est la constance de ce CD
dédié au basson, digne de figurer dans toute discothèque. L’Orchestre de
chambre suédois, dirigé par Alexei Ogrintchouk qui a connu van Sambeek au
Philharmonique de Rotterdam où il a été premier hautboïste solo, montre une
belle complicité, souple et généreuse, avec le soliste. On appréciera la
lumineuse clarté de cette gravure de septembre 2019.
Harpe enchanteresse…
A propos du CD |
Jean Lacroix