Pour cette nouvelle bonne nouvelle du confinement, nous avons choisi un texte de Véronique Bergen Montage d'incipit. Il est paru dans le numéro 261 de la revue, daté du printemps 2006. Sous le titre générique de Mobrandt et Remzart, le numéro réunit des nouvelles inspirées par les vies et oeuvres du peintre et du musicien. Cette livraison de Marginales propose des textes d'auteurs/trices aussi divers que Huguette de Broqueville (qui fut présidente de PEN Belgique pendant ne nombreuses années), Philippe Jones, Stéphane Lambert, Bérengère Deprez, Alain Bosquet...
L'éditorial de Jacques De Decker est particulièrement inspiré par cette thématique- en dehors de l'actualité sociale ou politique, belge ou internationale- , qui n'en est pas moins universelle.
Jean Jauniaux, le 30 mars 2020.
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"(...) Ces deux esprits, dont les célébrations
coïncident cette année, ne sont pas seulement séparés par leurs sociétés, leurs
milieux, leurs arts et leurs époques. L’Amstellodamois est un pessimiste, le
Salzbourgeois un optimiste. Le premier se découvre néanmoins de puissantes
consolations qui n’ont rien de spectaculaire, qui sont de l’ordre de
l’expérience intérieure. Le second va de déconvenues en déconvenues, parce que
la vie n’est pas un perpétuel festival. Il est donc un point où ils se croisent
: là où le peintre découvre qu’au fond des ténèbres il y a de la grâce, là où
le musicien s’avise que toutes les grâces ne dissipent pas l’inquiétude. Et à
ce carrefour-là, nous les retrouvons tous autant que nous sommes, parce que
nous sommes traversés par les mêmes questions, tout éloignés d’eux que nous
soyons. Et rongés par le regret de n’être plus leurs contemporains, même si
eux, ou du moins ce qu’ils ont créé, sont chargés de cette force durable qui
défie les atteintes des âges."
Montage d’incipit
Véronique Bergen 2006
"Ma certitude ? Que l’homme fuit l’asphyxie,
que, sans cesse à mes côtés s’agite le Démon. Que, pourtant, le chant du coq,
l’aube, les chiens qui aboient, la clarté qui se répand, l’homme qui se lève,
la nature, le temps, le rêve, la lucidité, tout est féroce. Les hommes, il faut
les voir d’en haut. Même les dieux morts gouvernent. Même les malheureux
craignent pour leur bonheur. Langue du rêve. Langue du passé. Aidez-moi à
sortir de ce puits, à me débarrasser du cliquetis dans mon crâne… Les
gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes : après moi, la
langue ne sera plus tout à fait la même. Elle entrera dans une nuit remuante.
J’aime à dire. Mieux encore, j’aime à enfiler les mots. Là où d’autres
proposent des œuvres, je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit.
La vie est de brûler des questions. Ce monde a quelque chose de bon : il suffit
de le considérer pour être aussitôt guéri de l’antique peur de le perdre."