Dans une lettre qu’il adresse à ses amis,
Simon Gronowski souligne l’importance et la signification du doctorat honoris causa dont il recevra le titre
avec son ami Koenrad Tinel. La mention qui orne ce titre prestigieux est la
suivante : "leur improbable amitié est un puissant symbole d'espoir,
de fraternité et de paix, un exemple pour les générations futures".
L’attribution de ce titre honorifique a
suscité un débat : ce doctorat n’est-il pas une forme sournoise d’amnistie
de la collaboration avec les nazis, dont le père et les deux frères de Koenraad
Tinel étaient de sinistres exemples ?
Nous avons rencontré Simon Gronowski. Il nous
raconte les conditions de son évasion du convoi qui l’emmène vers le camp
d’Auschwitz-Birkenau, convoi organisé à partir de la caserne Dossin où un de
ses geôliers est le frère aîné de Koenraad Tinel. Il évoque aussi cette amitié
si improbable et pourtant si fraternelle avec le fils et frère cadet de
collaborateurs qui, pour le père de Koenrad en tous cas, n’ont jamais renié leur
appartenance et leurs convictions nazies. Cette amitié est née en 2012 d’une
rencontre entre les deux hommes, réunis devant un public de jeunes par l’Union
progressiste des Juifs de Belgique (UPJB) à Gand.
Selon Simon Gronowski « cette amitié est
une contribution majeure à la lutte contre le fascisme, le racisme et l'antisémitisme
dont j'ai été victime ».
Selon les détracteurs de l’honneur qui lui est
fait, il y a là affirmation du « ni victime, ni coupable », titre du
livre co-écrit avec l’écrivain David Van Reybroeck (« Ni victime, ni
coupable, enfin libérés », Editions Renaissance du livre)
Cette distinction honorifique et les débats
qu’elle engendre auront peut-être, indirectement, l’effet salutaire de
confronter les idées et les polémiques et de contribuer ainsi à éloigner
l’amnésie concernant la Shoah, mais
aussi vis à vis de toutes les atteintes à la liberté, la dignité, la tolérance,
la fraternité dont, hélas, l’Histoire autant que l’actualité sont si
continûment et abondamment pourvoyeuses.
Par sa sincérité et sa générosité, le témoignage
infatigable de Simon Gronowski ne peut être entaché d’aucune suspicion
d’escamoter la réalité de l’Histoire. De son destin il a fait un irremplaçable
instrument de transmission des valeurs humanistes qu’il s’agit sans cesse de
marteler pour que l’écho des victimes jamais ne s’éteigne.
Jean Jauniaux, le 4 mars 2020
Henri Roanne-Rosenblatt et Simon Gronowski |
Cet entretien a été enregistré chez Henri
Roanne-Rosenblatt, enfant caché à Bruxelles pendant l’Occupation, qui lui aussi
témoigne inlassablement par des visites dans les écoles, mais aussi par le
roman (« Le cinéma de Saul Birnbaum ») et bientôt le cinéma
(« L’enfant caché » , un film réalisé par Nicolas Steil) , d’un autre
aspect de la barbarie nazie, les « kinder transport » . Nous l’avions
rencontré à différentes reprises pour des entretiens qui sont toujours
accessibles sur les sites de LIVRaisons et espace-livres. Il a évoqué à notre micro les "Kinder transport", son roman "Le cinéma de Saul Birnbaum" et le film "L'enfant caché" qu'il en a adapté avec le réalisateur Nicolas Steil - à qui l'on doit le long métrage "Le réfractaire" - et le scénariste Michel Fessler. Le tournage débute en juin 2020.
Communiqué annonçant le doctorat honoris causa attribué à Simon Gronowski et Koenraad Tinel:
(NB: Nous venons d'apprendre que la cérémonie a été annulée et reportée à une date ultérieure pour cause de coronavirus)
L’Université libre de Bruxelles et la Vrije Universiteit Brussel décernent les titres de Docteur Honoris Causa à Koenraad Tinel et Simon Gronowki. La cérémonie de remise de ces Doctorats Honoris Causa a lieu le mercredi 18 mars à 19h30 au Théâtre royal de La Monnaie à Bruxelles.
Koenraad Tinel (1934) est sculpteur et
dessinateur. Simon Gronowski (1931) est docteur en droit, avocat au barreau de
Bruxelles et pianiste de jazz. Une profonde amitié s’est installée entre ces
deux hommes. Une amitié qui paraissait improbable compte tenu de leur destin à
l’opposé. Étant enfant Koen Tinel vit au sein d’une famille flamande qui
sympathise avec les SS. Simon Gronowski quant à lui parvient pendant la guerre
à l’âge de 11 ans à s’échapper du convoi qui l’emmène vers le camp
d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Cette remarquable amitié est un
témoignage d’espoir, de joie et de paix.
C’est avec beaucoup de fierté que l’ULB et la
VUB saluent ces deux amis exceptionnels en tant que Docteurs Honoris Causa. Ils
se réjouissent de vivre ensemble avec vous ce moment d’exception au Théâtre
royal de La Monnaie.
Prof. Free De Backer et prof. Dimokritos
Kavadias
Des proches de Koenraad Tinel et de Simon
Gronowski