mercredi 9 mai 2018

Commémoration des "Kinder transport" : le 80 ème anniversaire de l'"exode des enfants"

"L'exode des enfants" 

Un entretien avec Henri Roanne-Rosenblatt évoquant le "Kinder transport" qui l'emmena de Venne à Bruxelles en mars 1939. Ils furent 10.000 enfants juifs ainsi sauvés du régime nazi.

A écouter sur soundcloud 



En avril 2018, Henri Roanne-Rosenblatt se rend aux Etats-Unis où, à l'invitation d'une des branches de sa famille, il témoigne du "Kinder transport", ce train qui l'emmena à l'âge de six ans vers l'inconnu, dans un wagon  où sa mère déposa le petit Hansi qu'elle ne verra plus avant la Libération. Ils furent 10.000 enfants juifs de 6 à 13 ans, à ainsi gagner la Belgique (comme Hansi), les Pays-Bas ou la Grande Bretagne, dans les jours qui suivirent l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne... Ceux qui n'ont pas oublié la voix de Henri Roanne (journaliste à la radio belge pendant des décennies), qui ont lu ses romans ("La vie cachée de Tintin" et "Le cinéma de Saul Birnbaum"), qui l'ont croisé au détour de débats ou de rencontres, retrouveront ici un témoin sensible qui nous invite à connaître ou à ne pas oublier cet exode des enfants juifs dont certaines évocations ne sont pas sans rappeler des images et des voix saillies des migrations d'aujourd'hui.

Cet entretien (1h30) à bâtons rompus a été enregistré à Bruxelles le 8 mai 2018.

Jean Jauniaux, Bruxelles le 8 mai 2018.

Né à Vienne en 1932, Henri Roanne-Rosenblatt est un expert audiovisuel européen de grand renom, ancien journaliste-producteur à la RTBF (la radio-télévision publique belge), critique de cinéma et réalisateur, avec Gérard Valet, des longs métrages "Chine 1971" (premier film occidental tourné pendant la Révolution culturelle) et "Moi Tintin" (Sélection Festival de Cannes 1977).Son premier roman La vie cachée de Tintin (Filipson Édition) a paru en 2005.


Extrait inédit d'un récit en cours d'écriture:

(Henri Roanne-Rosenblatt est l'auteur de deux romans. Il nous a confié les premières pages d'un récit qu'il envisage de consacrer à son expérience des "kindertransport" et, ensuite, de l'enfance cachée à Bruxelles pendant l'occupation.)

« C'est quoi une mère qui vous amène le soir sur un quai de gare enfumé,  vous embarque sur un train, vous confie à des inconnus, vous dit que vous partez pour un pays étranger dont vous ignorez la langue,  vous garantit que les gens -qu'elle n'a jamais rencontrés- y sont très gentils et que, dans quelques semaines -ne t' inquiètes pas-, elle viendra te chercher ? Ça se passe à Vienne en mars 1939, en mai 1940 les Allemands vous rattrapent à Bruxelles,vous y vivez caché de 1942 à 1944...
Et puis, voilà qu'en 1945, la guerre est finie, cette mère réapparaît, elle-même a vécu plus ou moins clandestinement dans le sud-ouest de la France et elle vient, avec de grands sourires vous reprendre, comme un colis resté trop longtemps en consigne.
Et tu croyais que j'allais me laisser duper, tomber dans tes bras comme si rien ne s'était passé, aller vivre chez toi à Cahors avec le bonhomme qui a remplacé mon père dont la guerre t'avait séparée !

Des décennies plus tard, je  me fixe sur ce moment tragique de 1938 où elle fut acculée -seule- à prendre la dramatique décision de se séparer de Hansi, son petit garçon de 6 ans.
Son mari était détenu à Dachau, les humiliations et violences antisémites se faisaient quotidiennes à Vienne, l'obtention d'un visa de sortie devenait de plus en plus aléatoire, l'étau nazi se resserrait sur l’Autriche consentante. Le Kindertransport apparaissait vraisemblablement à Léa comme la dernière chance de mettre son fils à l'abri. En même temps, elle était certainement conscience du traumatisme dont ce brutal arrachement les marquerait, lui et elle . Pouvait-elle faire confiance à des inconnus auxquels elle enverrait  Hansi ? Et ce doute lancinant : Allait-elle pouvoir le rejoindre en Belgique, le retrouver un jour ?

En me confiant en mars 1939, après l'Anschluss, à un Kindertransport   conduisant des enfants juifs vers  Bruxelles, Maman m'a sauvé la vie.  En arrachant aux autorités britanniques un visa qui a permis à mon père de quitter Dachau et l'Autriche, elle a sauvé celle de son mari. »

© Henri Roanne-Rosenblatt, inédit.

Quelques pistes pour en savoir davantage sur les Kindertransport:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kindertransport  
http://paril.crdp.ac-caen.fr/_PRODUCTIONS/memorial/enfants_shoah/co/kindertransport.html

"Le cinéma de Saul Birnbaum" , deuxième  roman de Henri Roanne-Rosenblatt évoque, par la fiction, l'exil, l'exode et les enfances cachées: http://www.cclj.be/agenda/henri-roanne-rosenblatt-cinema-saul-birnbaum

" Comment Saül Birnbaum, né à Braunau-sur-Inn, survivant d'une vieille famille de restaurateurs judéo-polonais ouvre un delicatessen à New York, puis réalise son rêve de devenir producteur de films. Le roman raconte comment, par l'entremise du fils notoirement antisémite d'un ex-notable du gouvernement de Vichy, le film mis en scène par le neveu de Saül, John, dont la filmographie comporte en tout et pour tout des communions, des mariages et un sitcom en yiddish, se retrouve primé à Cannes...
Comment Saül Birnbaum, hanté par le souvenir de son amour d'enfance, Hilde Hitler, nièce du Führer, recouvre, en fréquentant d'inconfortables salles d'art et d'essai de Manhattan, le goût de la vie, les saveurs du sexe et même les délices du bonheur avec une mystérieuse projectionniste, la belle Hannah, rescapée d'Auschwitz."

Né à Vienne en 1932, Henri Roanne-Rosenblatt est un expert audiovisuel européen de grand renom, ancien journaliste-producteur à la RTBF (la radio-télévision publique belge), critique de cinéma et réalisateur, avec Gérard Valet, des longs métrages "Chine 1971" (premier film occidental tourné pendant la Révolution culturelle) et "Moi Tintin" (Sélection Festival de Cannes 1977).Son premier roman La vie cachée de Tintin (Filipson Édition) a paru en 2005.