Vers le CD |
Il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin vers le
bain de réjouissances. Un autre CD procure des sensations musicales aussi
fortes. Intitulé Sonar in Ottava (« Jouer à l’octave »), il
prolonge le miracle vivaldien de la gravure Alpha par une Sinfonia pour
cordes RV 125 et par deux Concerti pour violon et violoncelle piccolo RV
508 et 515, interprétés par Giuliano Carmignola et Mario Brunello sur leurs
instruments respectifs, accompagnés par l’Accademia dell’Annunciata, orchestre
sur instruments d’époque fondé en 2009 à Abbiategrasso, non loin de Milan et
dirigé par Riccardo Doni (Arcana A472). Cette formation a déjà enregistré avec
les deux prestigieux solistes ; la complicité est si frappante entre tous
ces partenaires qu’elle semble couler de source. La notice nous livre le projet
de ce programme : « Le jeu consiste à concilier le somptueux
violonisme « baroque » avec le son intrigant d’un grand violon,
ténor, ou violoncelle piccolo à quatre cordes mi-la-ré-sol, les mêmes que le
violon, mais une octave plus bas.» Le texte précise : « Avec ces
deux voix éloignées d’une octave, le dialogue n’est plus d’égal à égal,
l’interaction s’apaise, les imitations prennent de nouvelles couleurs, la voix
supérieure essaie de faire la grosse voix et la voix grave s’amuse à devenir
subtile. » Les deux solistes se
lancent ainsi dans un parcours qui peut s’assimiler à une promenade à travers
les petites places et les ruelles de Venise, avec des couleurs variables et
nuancées. C’est encore la notice qui suggère cette balade au cœur de la
Sérénissime, ce qui fait fantasmer en ce temps de retraite à domicile imposée
par les circonstances.
On découvre aussi sur ce CD jouissif deux
concertos de Bach BWV 1043 et 1060, dans une transcription au sein de laquelle
le dialogue est plus complexe, dans un contexte de lyrisme intense. Le
destinataire présumé des variations qui portent son nom, Johann Gottlieb
Goldberg (1727-1756), qui fut un élève de Bach, est, pour sa part, représenté
par une jolie Sonate pour cordes. La qualité sonore de ce disque,
enregistré en juin 2018, est plus qu’exemplaire, les basses révélant un
frémissement qui se prolonge même dans le silence.
Jean
Lacroix