"Dernier journal" de Henry Bauchau
Editions Actes Sud, 2015
De tous les journaux de Henry Bauchau, le plus émouvant est
à n’en pas douter celui que les Editions Actes Sud viennent de faire paraître: le Dernier journal de l’écrivain décédé à l’âge de 99
ans.
Le livre couvre la période allant du 1er janvier 2006
au 28 août 2012, soit moins d’un mois avant le décès de l'écrivain survenue le 21 septembre. A quelques semaines près, Henry Bauchau serait devenu centenaire.
Comment ne pas être ému à lire l’angoisse de l’écrivain devant le peu
d’avancement de tous ses travaux d’écriture, les injonctions qu’il se donne à
s’organiser davantage, à dire non aux demandes qui lui sont formulées (il n’y
arrive pas, ainsi, en 2006 accepte-t-il d’écrire pour le Nouvel Observateur un
article pour un dossier consacré à la mort…)
Jusqu’au dernier jour de son journal il se préoccupera de
cette dispersion à laquelle il n’échappe pas : Je suis pris entre le
roman, les poèmes et le Journal. Les journées glissent entre mes mains me laissant peu de
temps pour l’écriture.
Dans son journal il alterne la retranscription des rêves, les
programmes de lecture (Les Chouans – Quelle force dans les personnages
des chouans(…) ! -, Docteur Jivago, L’Idiot, etc) , les visites et
rencontres, les souvenirs, les déceptions face à certains projets de théâtre
qui ne voient pas le jour, mais aussi, et ce n’est pas le moins bouleversant,
l’appréhension face aux difficultés financières qu’il traverse et qui le
hantent. Une des façons de les résoudre serait de quitter sa maison et de
prendre une chambre dans une maison de retraite, ce à quoi il ne veut se
résoudre. On lit alors ces phrases : A cela s’ajoutent comme périodiquement,
les difficultés d’argent. J’ai bouche les trous le mois dernier, ce sera plus
difficile les mois prochains si des rentrées nouvelles ne s’annoncent pas.
Quelle misère à quatre-vingt-treize ans, suis-je tenté de penser ! Mais
c’est une erreur, rien qu’une piteuse inflation de l’égo. (pp 27-28)
L’actualité l’occupe aussi, ainsi s’interroge-t-il à la
veille des élections qui porteront Obama à la présidence des USA : Que peut-il se passer dans l’inconscient d’Obama, fils d’un Kényan qui
l’a abandonné ?
Il relit Proust et note des phrases extraites du Temps
retrouvé : L’impression est pour l’écrivain ce qu’est
l’expérimentation pour le savant, avec cette différence que chez le savant, le
travail de l’intelligence précède et chez l’écrivain vient après.
Au moment où je quitte la lecture du « Dernier
Journal », cette citation de
Baudelaire m’arrête encore page 565 :
« Vois se pencher les défuntes années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées »
Je laisse là le livre et m’en vais vers les romans de
Bauchau que je relirai.
Edmond Morrel, le 31 mars 2015
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