mardi 31 mars 2015

Le dernier journal de Henry Bauchau

"Dernier journal" de Henry Bauchau 

Editions Actes Sud, 2015

De tous les journaux de Henry Bauchau, le plus émouvant est à n’en pas douter celui que les Editions Actes Sud viennent de faire paraître: le  Dernier journal  de l’écrivain décédé à l’âge de 99 ans. 
Le livre couvre la période allant du 1er janvier 2006 au 28 août 2012, soit moins d’un mois avant le décès de l'écrivain survenue le 21 septembre. A quelques semaines près, Henry Bauchau serait devenu centenaire. 



Comment ne pas être ému à lire l’angoisse de l’écrivain devant le peu d’avancement de tous ses travaux d’écriture, les injonctions qu’il se donne à s’organiser davantage, à dire non aux demandes qui lui sont formulées (il n’y arrive pas, ainsi, en 2006 accepte-t-il d’écrire pour le Nouvel Observateur un article pour un dossier consacré à la mort…)


Jusqu’au dernier jour de son journal il se préoccupera de cette dispersion à laquelle il n’échappe pas : Je suis pris entre le roman, les poèmes et le Journal. Les journées glissent entre mes mains me laissant peu de temps pour l’écriture. 

Dans son journal il alterne la retranscription des rêves, les programmes de lecture (Les Chouans – Quelle force dans les personnages des chouans(…) !  -, Docteur Jivago, L’Idiot, etc) , les visites et rencontres, les souvenirs, les déceptions face à certains projets de théâtre qui ne voient pas le jour, mais aussi, et ce n’est pas le moins bouleversant, l’appréhension face aux difficultés financières qu’il traverse et qui le hantent. Une des façons de les résoudre serait de quitter sa maison et de prendre une chambre dans une maison de retraite, ce à quoi il ne veut se résoudre. On lit alors ces phrases :  A cela s’ajoutent comme périodiquement, les difficultés d’argent. J’ai bouche les trous le mois dernier, ce sera plus difficile les mois prochains si des rentrées nouvelles ne s’annoncent pas. Quelle misère à quatre-vingt-treize ans, suis-je tenté de penser ! Mais c’est une erreur, rien qu’une piteuse inflation de l’égo. (pp 27-28)

L’actualité l’occupe aussi, ainsi s’interroge-t-il à la veille des élections qui porteront Obama à la présidence des USA :  Que peut-il se passer dans l’inconscient d’Obama, fils d’un Kényan qui l’a abandonné ? 

Il relit Proust et note des phrases extraites du Temps retrouvé :  L’impression est pour l’écrivain ce qu’est l’expérimentation pour le savant, avec cette différence que chez le savant, le travail de l’intelligence précède et chez l’écrivain vient après. 

Au moment où je quitte la lecture du « Dernier Journal »,  cette citation de Baudelaire m’arrête encore page 565 :
« Vois se pencher les défuntes années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées »

Je laisse là le livre et m’en vais vers les romans de Bauchau que je relirai.

Edmond Morrel, le 31 mars 2015

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