(Dans le cadre des activités de PEN Club Belgique, nous publions des articles consacrés à l'actualité littéraire des écrivains membres du centre belge francophone de PEN International. Edmond Morrel avait rencontré la plupart d'entre eux à l'occasion d'interviews radio qui sont renseignées en fin de rubrique et qui sont toujours accessibles à l'écoute et au podcast sur www.espace-livres.be
(Jean Jauniaux, Président de PEN Club Belgique )
Tango
Poèmes de Corinne Hoex et gravures de Martine Souren
Esperluète Editions
On sait de Corinne Hoex combien son oeuvre explore, sans trêve, le roman familial et la poésie de la sensualité. Au fil des livres, elle tisse des liens entre la forme poétique et la fiction romanesque comme l'a montré son dernier recueil de nouvelles, mêlant fantasmes érotiques et humour détaché, lors de rencontres fort divertissantes entre la narratrice et différents corps de métier (maître nageur, curé, archevêque...)
Cela nous avait valu de savoureux "Valets de nuit" confiés aux Impressions Nouvelles, livre à propos duquel nous avions rencontré l'auteure en compagnie d'Edmond Morrel.
Avec "Tango", Hoex retrouve à la fois la forme brève et musicale de la poésie dans laquelle elle revêt, comme dans une robe, une "éphémère de la nuit" qui "danse sans étreindre". Elle tente de se rebeller à la fois contre la robe, elle "voudrait un vêtement qui lui tienne au corps", comme on réclamerait une identité à soi. Mais la musique (et l'envahissement des gravures fascinantes de Martine Souren) interdit cette libération de l'hypnose musicale. Elle voudrait une robe qui soit à l'aune de l'envoûtement de la musique, qui "(la) tienne au corps/ comme un tanguer/comme un torero/un conquistador/et pas cette robe/ aux rubans fugaces/aux franges incertaines"
Quant à Martine Souren, elle nous donne dans ce "Tango" une danse fragmentaire qu'elle déroule de page en page, comme autant de variations d'une musique muette, dont la gravité envahit le lecteur-spectateur. Il faut entrer dans ce livre, si court, en trois temps: le texte, la gravure et... la musique. Cette dernière vous gagne petit à petit: le bandonéon, profond, lent, intense de ses noires noires va débusquer au sein de l'invisible orchestre, la sonorité allègre des cordes, "aux rubans fugaces/aux franges incertaines". L'artiste s'inquiète de ne pas atteindre le "miracle, la grâce, le juste contrepoint". Qu'elle sache qu'ici ce miracle s'accomplit.
En lisant, en regardant ce livre court, on aurait envie de savoir comment le texte et la gravure se sont imbriquées l'une l'autre, l'une contre l'autre, l'une dans l'autre. C'est là sans doute que réside la magie de ce livre: faire de ces entrelacements de l'image et des mots, une énigme que l'on n'aimerait pas dévoiler. C'est une liberté belle que nous laissent à la fois Corinne Hoex et Martine Souren de nous abandonner à notre rêverie, un peu comme l'"éphémère" de la nuit qui finit par s'abandonner à l'envoûtement du ...tango que l'on entend, entre les interstices des mots, dans la confrontation du graphisme et de la graphie. Le poème s'achève ("car il faut danser/cette plainte sombre/telle une femme entière") et déjà, venu d'une mémoire lointaine, un "bandonéon/pousse sa plainte sombre", et nous envahit à nouveau.
Ce court livre pourrait être la carte de visite de la maison d'édition L'Esperluète, dont le signe alphabétique le plus sensuel qui soit, le langoureux sinusoïdal &, évoque à la fois une danse et un dénouement, un lien et un espace, un temps et un infini, cet infini auquel il ressemble, comme s'il en provenait, comme s'il en était une déclinaison graphique.
Jean Jauniaux, Bruxelles le 21 février 2017
Sur le site de l'éditeur:
Tango
Corinne Hoex poème • Martine Souren gravures
(eaux fortes)
8 € • 10,5 x 20 cm • 20 pages • isbn 9782359840711
• 2016 • collection Cahiers
Une femme danse le tango, dans l’attente et la
tension. Elle préférerait une robe qui lui tienne au corps loin des rubans et
des falbalas. On devine qu’elle aimerait également un danseur à sa hauteur !
Par ce poème tout en suggestion, Corinne Hoex
révèle le rythme et l’impulsion de la danse, mais aussi ceux de l’écriture. Les
mots y trouvent leur mouvement propre, une forme d’autonomie dans la répétition
qui chante la sensualité du tango.
Les gravures de Martine Souren rencontrent à
merveille ces mots-là. Cette série d’eaux-fortes créée au contact de danseurs
de tango nous parle tout autant de la femme que de ses robes, de la sensualité
du trait et des gestes qui se déploient.
La rencontre entre ces deux univers ne pouvait
mieux se faire.
Actualité : Exposition de gravures de Martine
Souren à la Boutique/Atelier/Galerie Brock'n'Roll à La Louvière, du 19 janvier
au 4 mai 2017. Plus d'infos ici.