vendredi 25 décembre 2015

"Le journalisme moral d'Albert Camus" par Senda Souabni-Jlidi

"Le journalisme moral d'Albert Camus" par Senda Souabni-Jlidi 

La commémoration du centenaire de la naissance d'Albert Camus a légitimement inspiré des rééditions, des études, des adaptations de son oeuvre. On ne saurait que se réjouir de l'effet des anniversaires sur la mise en évidence d'une pensée et d'une production romanesque, théâtrale et philosophique aussi indispensable que celles de Camus.



Senda Souabni Jlidi, docteur en littérature française, enseignante à l'Ecole normale supérieure de Tunis, a choisi de consacrer son dernier ouvrage en date au travail journalistique du romancier et philosophe. Elle démontre au fil d'un ouvrage éclairant à tous points de vue, qu'il serait erroné de considérer les écrits journalistiques de Camus comme secondaires. " Il montra autant de maîtrise à être journaliste que romancier, essayiste et dramaturge ", même s'il "apprit le métier en le pratiquant. Cette absence de formation à la discipline journalistique explique sans doute pourquoi "il ne se cantonna pas dans un domaine précis de cette activité. Il fut tour à tour, et souvent à la fois, chroniqueur judiciaire, grand reporter, critique littéraire et éditorialiste, mais donna toujours à ses écrits une ampleur qui faisait transparaître ses préoccupations: la justice, la liberté, la morale en politique et le bonheur" 

Après avoir relevé les différents textes journalistiques de Camus et les avoir placés dans la perspective chronologique mais aussi dans l'"évolution de la pensée de Camus", l'essayiste développe son analyse de  "l'exigence morale" qu'elle  inscrit , dans un classement thématique, dans les catégories d'"Un monde moral", "Un monde de paix" et "Un monde utopique".

Pareille étude, passionnante à chacune de ses étapes, n'aurait pas été complète sans une approche esthétique, qui fait l'objet de la troisième et dernière partie de l'ouvrage, "Le style du journalisme moral" dont l'enjeu est décrit d'emblée: "L'originalité des écrits journalistiques de Camus ne consiste pas seulement dans l'exemplarité d'une pensée rigoureusement tournée vers la morale, elle est également dans la manière dont l'écrivain exprime cette pensée. camus a en effet toujours voulu rendre l'éthique jour,balistique indissociable d'un ton particulier dont il a chargé la "nouvelle presse" issue de la Résistance de définir les modulations. L'enjeu était à ce point important que le journaliste en faisait dépendre la réussite de l'édification de la France d'après-guerre: "il y un ton à trouver, sans quoi tout est dévalorisé"

Pour étayer cette volonté, Senda Souabni Jlidi cite Camus: "Si nous faisons que cette voix demeure celle de l'énergie plutôt que de la haine, de la fière objectivité et non de la rhétorique, de l'humanité plutôt que de la médiocrité, alors beaucoup de choses seront sauvées et nous n'aurons pas démérité" 

Voici un livre qui donne toute sa place à un des modes d'expression de la pensée camusienne et qui démontre que, là aussi, Camus a excellé dans son art. Cette excellence dont il puisait dans une inépuisable et souveraine exigence: celle de l'engagement.

Edmond Morrel, le 25 décembre 2015.

Sur la webradio espace-livres.be nous avons à plusieurs reprises évoqué Albert Camus. A titre d'exemple, je vous recommande l'écoute de l'interview que Michel Onfray nous avait accordée à la publication de son livre: "L'ordre libertaire" 





Le journalisme fut la passion mais aussi l'arme d'Albert Camus pour un monde plus juste, plus clément pour l'homme. De ses premiers écrits pour "Alger Républicain" et "Le Soir Républicain", à ses appels à la résistance au nazisme dans le "Combat" clandestin, à ses éditoriaux flamboyants puis de plus en plus désenchantés dans Combat de l'après-guerre, aux derniers textes qu'il écrit pour "L'Express", il eut pour souci constant de mettre en évidence un positionnement éthique constant.