Imaginaires
C’était avril 2017 dans le ventre de Paris.
Rien ici ne subsiste du
roman de Zola hormis ce que chacun de nous, lecteurs, en avons conservé dans le
souvenir nourri de ces pages tellement inspirées qu’elles ne nous ont jamais
quitté. Il suffit d'un effleurement de lumière sur un toit, d'une odeur chaude exhalée par la bouche du métro, de la hâte d'un enfant triste pour que le sentiment de cette lecture ancienne nous submerge, intact et puissant.
Les pierres de Saint-Eustache, là-bas dans le contre-jour, ont-elles, elles aussi, imprimé dans quelque secrète mémoire, les cris des métayers, les plaintes des
chevaux, la famine des miséreux, la fatigue glacée des sans-abri ?
Je vois cet homme
qui fouille dans une poubelle, cette femme qui fait les cent pas sans
destination, ces enfants qui guettent une proie.
Ils ont donc, en ne cessant de tuer le temps, traversé les
siècles ?
Jean Jauniaux
Saint-Avit Août 2017
©Jean Jauniaux, Paris avril 2017 |
« Entre les arêtes fines des piliers, ces
minces barres jaunes mettaient des échelles de lumière, qui montaient jusqu’à
la ligne sombre des premiers toits, qui gravissaient l’entassement des toits
supérieurs, posant dans leur carrure les grandes carcasses à jour de salles
immenses, où traînaient, sous le jaunissement du gaz, un pêle-mêle de formes
grises, effacées et dormantes. Il tourna la tête, fâché d’ignorer où il était,
inquiété par cette vision colossale et fragile ; et, comme il levait les yeux,
il aperçut le cadran lumineux de Saint-Eustache, avec la masse grise de
l’église ».
("Le ventre de Paris », Emile Zola, 1873)