mercredi 14 février 2018

"Mal de mère" un deuxième roman d'Elise Bussière

« Mal de mère » , le deuxième roman, bouleversant,  d’Elise Bussière aux Editions Mols

Les interviews:

Pour écouter l'entretien radio qu'Elise Bussière a accordé à Jean Jauniaux à propos de "Mal de mère", il suffit de cliquer sur le lien soundcloud de LIVRaisons
Pour écouter son interview au micro d'edmond Morrel,  à propos de son premier roman, "Je travaille à Paris et je dors à Bruxelles" , il suffit de cliquer sur le lien vers espace-livres


Dans son deuxième roman, Elise Bussière explore un territoire redoutable dans lequel rarement on s’est aventuré avec autant de sincérité, de force et de talent: celui de l'échec de maternité et de l'abandon que la romancière évoque à travers le personnage d’une jeune mère d’Elisabeth Jones, et de sa fille Iliana.
Elisabeth un matin de juin 1975 dépose sa fille à la crèche, et quitte à jamais une vie qu’elle ne parvenait plus à supporter. Elle dit l’épuisement que provoque le bébé, la sensation de ne rien faire qui soit « convenable » ou approprié (une scène vertigineuse réunit Elisabeth et un groupe d’amies, mères parfaites et donneuses de leçons !), l’impossibilité de supporter davantage les critiques pernicieuses de sa propre mère (un portrait féroce d’une Folcoche impitoyablement perverse et persifleuse). Tout cela, et la fragilité que développe la fatigue continuelle, déstabilise Elisabeth qui disparaît sans plus donner aucune nouvelle à son mari (soupçonné de l’avoir assassinée) ni à ses frères, ni bien sûr à la petite Iliana.
Voilà pour le point de départ de ce récit dont les développements se dévoilent par l’envoi, vingt ans plus tard d’un carnet rouge dans lequel Elisabeth écrit à sa fille et lui raconte comment elle l’a abandonnée, la vie qu’elle a menée pendant cette absence (sa fausse identité, sa rencontre avec Alistair avec qui elle vivra et dont elle élèvera les enfants) et, surtout, la tentative d’expliquer, de justifier, de comprendre elle-même la pulsion irrépressible qui l’a éloignée d’un enfant.
En écho et en alternance avec cette confession sous forme de lettres jamais envoyées, Iliana évoque ce qu’a représenté l’absence de mère. C’est là sans doute où Elise Bussière nous donne les pages les plus bouleversantes sur ce que représente le « mal de mère », l’absence pour un enfant de ce que représente la figure maternelle. Ce mal, cette douleur est démultipliée par les circonstances de l’absence, l’abandon, mais aussi par cette « disparition » de la mère que personne n’évoque plus, qui a rendu mutique Alvaro, le papa d’Iliana, qui n’a jamais voulu refaire sa vie, et sans doute ce qui est le plus effroyable, la perte du mot « maman », jamais prononcé pour désigner l’absente.
A travers la disparition de la personne et de ce qui la désigne, Elise Bussière  trouve des accents d’une justesse et d’une émotion vertigineuses. Sans effets, sans lyrisme, elle nous donne à ressentir au plus près cette double perte vers laquelle convergent les récits alternés des courriers d’Elisabeth et du récit d’Iliana, qui constitue la ligne de force de la narration. Les lettres contenues dans le carnet rouge parviennent d’un bloc à Iliana qui en découvre le contenu chronologique couvrant vingt années de sa vie, vue dans la conscience d’une mère qu’elle n’a jamais connue, et dont elle ne possède qu’une photo en noir et blanc. Au fur et à mesure où les lettres dévoilent l’histoire de cet abandon contre nature, Iliana passe de la rage féroce à une manière de compréhension compatissante. On a le sentiment, par cette compassion qui petit à petit vient surplomber l’abysse de colère,  qu’elle donne naissance à sa mère.
On sait combien la littérature est un instrument d’observation de la complexité et de la fragilité de l’humain. Pour cela, il faut que le romancier ne se pose pas en juge des personnages qu’il crée, ni en analyste des motivations qui les inspirent. Sans cela, comment le livre nous donnerait-il ce supplément d’empathie pour comprendre (« prendre avec soi » ) ce qu’il y a de souffrance et de détresse dans certains actes hors-norme, comme ici l'échappée et l'abandon d'un enfant.

Avec ce livre, Elise Bussière confirme avec éclat la place exemplaire qu’elle occupe  en littérature francophone qui avait été saluée lors de la parution  de son premier roman. En choisissant un sujet particulièrement dur, (qualificatif choisi à l’instar des romans « durs » de Simenon), elle nous donne l’occasion, trop rare dans la production littéraire, à la fois d’une vraie émotion esthétique et d’un regard sensible sur notre fragilité.

Jean Jauniaux, Bruxelles le 14 février 2018

Sortie en librairie le 1 mars 2018

Nous avons interviewé déjà Elise Bussière lors de la parution de son premier roman. Cet entretien est toujours accessible sur le site de la webradio www.espace-livres.be en cliquant sur : http://www.espace-livres.be/EcoutezElise-Bussiere-au-micro-d 



1975. Miami. Elizabeth Jones disparaît de façon inexpliquée. Elle laisse derrière elle une petite fille d'un an, Iliana, et un mari que l'on ne tarde pas à soupçonner de meurtre. Vingt ans plus tard, Iliana reçoit une série de lettres de sa mère. Cette dernière ne s'était jamais résolue à les envoyer. À travers cette correspondance, la jeune femme découvre les raisons de la disparition de sa mère.

Mal de mère est le récit en miroir d'une mère et d'une fille face au dévoilement du secret de l'une et de l'obligation pour l'autre de réinventer, à partir de là, sa propre histoire. Elles vont se réapproprier leurs destins respectifs, hors des préjugés, des normes et de la fatalité qui emprisonnent la femme devenue mère.