« Mal de mère » , le deuxième roman, bouleversant, d’Elise Bussière aux Editions Mols
Les interviews:
Pour écouter l'entretien radio qu'Elise Bussière a accordé à Jean Jauniaux à propos de "Mal de mère", il suffit de cliquer sur le lien soundcloud de LIVRaisons.
Pour écouter son interview au micro d'edmond Morrel, à propos de son premier roman, "Je travaille à Paris et je dors à Bruxelles" , il suffit de cliquer sur le lien vers espace-livres.
Dans son deuxième roman, Elise Bussière explore un territoire redoutable dans lequel rarement on s’est aventuré avec autant de sincérité, de force et de talent: celui de l'échec de maternité et de l'abandon que la romancière évoque à travers le personnage d’une jeune mère d’Elisabeth Jones, et de sa fille Iliana.
Elisabeth un matin de juin 1975 dépose sa
fille à la crèche, et quitte à jamais une vie qu’elle ne parvenait plus à
supporter. Elle dit l’épuisement que provoque le bébé, la sensation de ne rien
faire qui soit « convenable » ou approprié (une scène vertigineuse
réunit Elisabeth et un groupe d’amies, mères parfaites et donneuses de
leçons !), l’impossibilité de supporter davantage les critiques
pernicieuses de sa propre mère (un portrait féroce d’une Folcoche
impitoyablement perverse et persifleuse). Tout cela, et la fragilité que
développe la fatigue continuelle, déstabilise Elisabeth qui disparaît sans plus
donner aucune nouvelle à son mari (soupçonné de l’avoir assassinée) ni à ses
frères, ni bien sûr à la petite Iliana.
Voilà pour le point de départ de ce récit dont
les développements se dévoilent par l’envoi, vingt ans plus tard d’un carnet
rouge dans lequel Elisabeth écrit à sa fille et lui raconte comment elle l’a
abandonnée, la vie qu’elle a menée pendant cette absence (sa fausse identité,
sa rencontre avec Alistair avec qui elle vivra et dont elle élèvera les
enfants) et, surtout, la tentative d’expliquer, de justifier, de comprendre
elle-même la pulsion irrépressible qui l’a éloignée d’un enfant.
En écho et en alternance avec cette confession
sous forme de lettres jamais envoyées, Iliana évoque ce qu’a représenté
l’absence de mère. C’est là sans doute où Elise Bussière nous donne les pages
les plus bouleversantes sur ce que représente le « mal de mère »,
l’absence pour un enfant de ce que représente la figure maternelle. Ce mal,
cette douleur est démultipliée par les circonstances de l’absence, l’abandon,
mais aussi par cette « disparition » de la mère que personne n’évoque
plus, qui a rendu mutique Alvaro, le papa d’Iliana, qui n’a jamais voulu refaire
sa vie, et sans doute ce qui est le plus effroyable, la perte du mot
« maman », jamais prononcé pour désigner l’absente.
A travers la disparition de la personne et de
ce qui la désigne, Elise Bussière trouve
des accents d’une justesse et d’une émotion vertigineuses. Sans effets, sans
lyrisme, elle nous donne à ressentir au plus près cette double perte vers
laquelle convergent les récits alternés des courriers d’Elisabeth et du récit
d’Iliana, qui constitue la ligne de force de la narration. Les lettres contenues
dans le carnet rouge parviennent d’un bloc à Iliana qui en découvre le contenu
chronologique couvrant vingt années de sa vie, vue dans la conscience d’une
mère qu’elle n’a jamais connue, et dont elle ne possède qu’une photo en noir et
blanc. Au fur et à mesure où les lettres dévoilent l’histoire de cet abandon
contre nature, Iliana passe de la rage féroce à une manière de compréhension
compatissante. On a le sentiment, par cette compassion qui petit à petit vient
surplomber l’abysse de colère, qu’elle donne
naissance à sa mère.
On sait combien la littérature est un
instrument d’observation de la complexité et de la fragilité de l’humain. Pour
cela, il faut que le romancier ne se pose pas en juge des personnages qu’il
crée, ni en analyste des motivations qui les inspirent. Sans cela, comment le
livre nous donnerait-il ce supplément d’empathie pour comprendre
(« prendre avec soi » ) ce qu’il y a de souffrance et de détresse
dans certains actes hors-norme, comme ici l'échappée et l'abandon d'un enfant.
Avec ce livre, Elise Bussière confirme avec
éclat la place exemplaire qu’elle occupe
en littérature francophone qui avait été saluée lors de la parution de son premier roman. En choisissant un sujet
particulièrement dur, (qualificatif choisi à l’instar des romans
« durs » de Simenon), elle nous donne l’occasion, trop rare dans la
production littéraire, à la fois d’une vraie émotion esthétique et d’un regard
sensible sur notre fragilité.
Jean Jauniaux, Bruxelles le 14 février 2018
Sortie en librairie le 1 mars 2018
Nous avons interviewé déjà Elise Bussière lors de la parution de son premier roman. Cet entretien est toujours accessible sur le site de la webradio www.espace-livres.be en cliquant sur : http://www.espace-livres.be/EcoutezElise-Bussiere-au-micro-d
Nous avons interviewé déjà Elise Bussière lors de la parution de son premier roman. Cet entretien est toujours accessible sur le site de la webradio www.espace-livres.be en cliquant sur : http://www.espace-livres.be/EcoutezElise-Bussiere-au-micro-d
1975. Miami. Elizabeth Jones disparaît de
façon inexpliquée. Elle laisse derrière elle une petite fille d'un an, Iliana,
et un mari que l'on ne tarde pas à soupçonner de meurtre. Vingt ans plus tard,
Iliana reçoit une série de lettres de sa mère. Cette dernière ne s'était jamais
résolue à les envoyer. À travers cette correspondance, la jeune femme découvre
les raisons de la disparition de sa mère.
Mal de mère est le récit en miroir d'une mère
et d'une fille face au dévoilement du secret de l'une et de l'obligation pour
l'autre de réinventer, à partir de là, sa propre histoire. Elles vont se
réapproprier leurs destins respectifs, hors des préjugés, des normes et de la
fatalité qui emprisonnent la femme devenue mère.