"Liberté" de Guy Walch
A l'occasion de la parution chez L'Harmattan,
dans la collection "Ouverture philosophique" de l'essai
"Liberté", nous avons enregistré une rencontre entre l'écrivain
Jacques De Decker et le philosophe.
Un entretien érudit, complice et accessible
s'est immédiatement entre les deux humanistes, que nous vous proposons
d'écouter sur la webradio espace-livres en cliquant ICI ou sur Soundcloud
Jean Jauniaux, Lasnes le 27 février 2018.
Sur le site de GuyWalch, figurent de multiples indications sur le
livre, sa genèse, ses prolongements. Le site est nourri des multiples pistes
que continue d'explorer le philosophe.
Spinoza reconnait que l’état et les
perspectives d’évolution de la société, soumise à ce point aux passions
négatives, excluent d’envisager, dans un horizon temporel crédible,
l’instauration d’une société de sages, d’individus libres au sens où il
l’entend. C’est-à-dire au sens où le degré de liberté est fonction directe du
degré de connaissances adéquates et du degré de libération de la servitude des
passions négatives.
Il constate en revanche que ce sage doit
plutôt vivre dans une cité policée, respectant la liberté d’expression et
d’opinion de tous, que d’essayer de survivre en marge. Il doit contribuer
solidairement au bien de tous et en conséquence œuvrer avec les diverses
composantes idéologiques ou religieuses de la société et les institutions pour
parfaire le mieux possible l’état commun.
Cette solidarité se fonde sur l’amour
intelligent des autres, base en principe partagée par toutes les religions ou
courants d’idées, à la seule exception des institutions tyranniques et des
formations microfascistes. Spinoza pense dès lors que l’accord de tous au
principe de l’amour universel suffit à garder à distance les diverses tyrannies
nourries de ces vérités uniques qui dégradent les religions (et aujourd’hui les
idéologies) en laissant libre cours aux jeux de pouvoir…
Liberté s’inscrit pleinement dans ces
propositions. Ce n’est pas seulement par défaut de l’humain que l’injonction de
l’amour universel s’impose. Elle est beaucoup plus fondamentale. Si la
connaissance adéquate du second niveau (les notions communes) n’est partagée
que par un très petit nombre, même si ce nombre peut croitre, son poids
majoritaire reste très improbable.
Les divergences autour de la table du dialogue
ne se limitent pas à celles de la diversité des visions du monde. Rechercher le
consensus sans ignorer le dissensus ne se suffit pas d’un vague programme
commun, panachant diverses recettes du bienvivre ensemble. L’intelligence de la
coïncidence dissensus-consensus relève du troisième niveau de la connaissance.
C’est-à-dire, pour Spinoza, de la double certitude intuitive de l’inter
causalité universelle des modes dans la durée et de la teneur unique des choses
singulières sous regard d’éternité. Or plus j’intellige adéquatement les choses
singulières plus je les aime adéquatement. C’est-à-dire par un amour visant
l’infini sans rien en connaitre, sinon le scintillement des choses singulières.
L’intelligence de l’infini comme tel — tout le réel comme l’infiniment infini —
reste définitivement impossible. « Plus j’intellige les choses singulières,
plus j’intellige l’infini » est le leitmotiv de Liberté.
Quelle leçon politique en tirer ?
La politique n’est jamais que l’art de diriger
les peuples sous l’emprise des passions. L’impossible république des sages
n’aurait nul besoin d’institutions politiques.
Dès lors, cet art de diriger un peuple sous
l’emprise des passions doit s’appuyer sur cette double intuition.
En premier, le développement de la
connaissance la plus adéquate possible — suivant en cela l’approche des
sciences — de l’inter causalité universelle des modes dans la durée
(l’empirie). Ce qui implique d’écarter toutes les vérités uniques du débat
public.
Liberté envisage même d’étendre le principe de
laïcité entre les églises et l’État à une séparation d’avec toutes les
idéologies, religieuses ou autres. Parce que toutes impliquent une dépendance
d’arrière-plan, hors de portée d’un savoir adéquat. En revanche, la diversité
des opinions religieuses ou idéologiques doit pouvoir s’exercer librement dans
le forum public et dans les institutions représentatives, sans pour autant
monopoliser le pouvoir exécutif. Le principe du dissensus-consensus doit
toujours s’y exercer.
En second, l’intelligence de la teneur unique
des choses singulières enjoint l’égalité de l’être de toutes choses, au-delà la
puissance respective de leur nature. En cette égalité réside le socle
primordial de la démocratie. La souveraineté est indissociable de la
singularité. Déléguée à l’aune de l'utile, mais jamais accaparée ! Il en
découle que toutes les choses concourent le plus directement possible au
processus politique. Un écosystème global est visé.
Guy Walch
Sur le site de l'éditeur vous trouverez toutes les références pour commander l'ouvrage
Lire Spinoza au XXIe siècle en relisant une
vie contemporaine ? C'est se résoudre à regarder le monde sans fausses craintes
ni faux espoirs. Amender les évidences, les opinions savantes et publiques.
Regarder le monde en comprenant que chaque chose y est singulière. Plus les
choses singulières sont intelligées, plus la nature infinie l'est. Ce thème
éclaire les rapports entre imagination et connaissance, durée et éternité, ou
encore écologie globale et nature de la liberté. On ne peut ni connaître ni donc
aimer l'infini comme tel, seulement les choses singulières connaissables, dans
la proximité immense de la part d'univers de l'homme.
Guy Walch, né en 1933 à Zürich, de nationalité
suisse, s'est formé à la philosophie et la théologie lors de ses études, avant
de devenir libraire dans une grande librairie bruxelloise. Après diverses
fonctions éducatives, techniques, commerciales et de direction chez
IBM-Belgique et deux affectations à l'étranger (Etats-Unis et France), il
consacre, depuis 1992, sa retraite à l'étude et à l'écriture.