Respighi et son œuvre pour orgue : une autre facette de l’auteur
des Pins de Rome
Ottorino Respighi (1879-1936) est
connu par les mélomanes pour son chatoyant triptyque symphonique dans lequel il
rend hommage aux pins et aux fontaines de Rome, puis aux fêtes de la Ville
éternelle. Ces séduisantes partitions, auxquelles on ajoutera des œuvres comme
la suite Les Oiseaux, les Danses et airs anciens ou La Boutique fantasque, ballet d’après
Rossini, constituent en général ce que l’on connaît de ce compositeur. C’est en
fait l’arbre qui cache la forêt. L’œuvre de Respighi est considérable
(opéras, ballets, nombreuses pages symphoniques et concertantes, musique de
chambre…) et souvent de grande qualité, ainsi qu’on a pu le constater à travers
quelques productions du label Chandos des années 1990. Originaire de Bologne,
Respighi émigre dès 1900 à Saint-Pétersbourg où il occupe le poste d’alto solo
dans l’orchestre impérial. C’est l’occasion pour lui de recevoir quelques
leçons d’orchestration de Rimsky-Korsakov, dont l’influence se fera sentir dans
ses créations. Il bénéficie aussi de conseil de Max Bruch. De 1903 à 1908, il
se lance dans une carrière de soliste avant de se fixer à Rome, où il devient
professeur de composition à l’Académie Sainte-Cécile. Dès lors, il se consacre
à son art personnel.
La firme Tactus, qui a déjà mis
en évidence de la musique de chambre de Respighi, propose en première mondiale,
et sur un seul CD, une intégrale de son œuvre pour orgue (TC 878103). Ces
partitions couvrent la période 1905-1915 ; il s’agit de quelques préludes
et d’une élégiaque Elevazione,
auxquels ont été ajoutées deux transcriptions récentes de fragments non achevés
par le compositeur. L’ensemble est d’une écoute agréable ; le goût de
Respighi pour le faste s’y retrouve, mais aussi des différences d’atmosphère,
dans le style de Max Reger, au cours desquelles l’introspection, la méditation
et la couleur sonore sont présentes. L’organiste qui nous offre ces perles
méconnues, Andrea Macinanti, natif lui aussi de Bologne, déploie son talent sur
l’orgue de la cathédrale de l’Assomption de la cathédrale de Saluzzo, une cité
médiévale située dans le Piémont. L’instrument des frères Serassi date de 1855,
il a été restauré en 1998. L’enregistrement date de 2001, et semble être
demeuré en attente jusqu’à aujourd’hui. Même s’il n’est pas de grande ampleur,
cet orgue sonne dans une chaude ambiance qui en différencie bien les timbres.
Tout cela n’est certes pas révolutionnaire, mais ajoute une facette
intéressante à la connaissance de Respighi. L’essentiel se situe en fin de
programme : une passionnante Suite
pour instruments à cordes et orgue, qui date de 1906 et a été complétée en
1914. Il s’agit d’une partition de près de 25 minutes, de forme classique et
d’un grand lyrisme inspiré, nourri par de grandioses moments et des couleurs
fauves dont Respighi a le secret. Macinanti nous la fait connaître, enregistrée
en 2015, à travers l’orgue récent du Conservatoire d’Udine, une ville du Frioul,
avec l’orchestre Archi dell’Academia Symphonica du lieu, conduit par PierAngelo
Pelucchi.
Voilà une belle alternative
aux trop rares partitions destinées à l’orgue et à l’orchestre. On peut
désormais ajouter celle de Respighi aux symphonies de Saint-Saëns et de Copland
ou au superbe Concerto de Poulenc.
Jean Lacroix