mardi 21 avril 2020

Stefan Zweig : nouvelles traductions. Ré-édition de La Marge (2013) en Hommage à Jacques De Decker

En hommage à Jacques De Decker, LIVraisons a décidé de mettre en ligne quelques éditions des enregistrements sonores de La Marge et  La Contre-marge , chroniques que nous enregistrions  en 2012 et 2013 pour la web radio espace-livres. 
Jacques De Decker avait trouvé là un espace médiatique qui lui permettait de donner à sa voix l’écho dont elle répercutait l’actualité culturelle et l’édition littéraire.
Quelques jours avant son décès, Jacques De Decker nous confiait être plongé dans la relecture de quelques classiques qu’il allait explorer à nouveau dans la bibliothèque de l’appartement qu’il venait d’aménager. La retraite de ses fonctions de Secrétaire général de l’Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique, allait, pensait-il, lui donner davantage de loisir pour se consacrer à l’écriture et à la lecture. Il avait projet également de se consacrer aux lectures en public de textes dont il  avait déjà sélectionné quelques auteurs. Parmi ceux-ci, Stéfan Zweig dont il relisait la biographie de Stendhal, son écrivain fétiche.
En 2013, sous le titre « Zweig , la remise à neuf » , il évoquait la nouvelle série de traductions de l’œuvre de l'écrivain autrichien parue dans la collection Bouquins. Parmi les traducteurs et traductrices de cet ouvrage figurait en bonne place Françoise Wuilmart , amie de toujours de Jacques De Decker, avec qui elle avait créé le « Collège européen de traduction littéraire de Seneffe »

Ci-dessous, figurent le texte de la version courte de La Marge et deux enregistrements sonores : lecture de la version courte (4’) et chronique improvisée de Jacques De Decker (18’) à propos de Stefan Zweig, de la traduction littéraire, de ce volume de nouvelles traductions et de Françoise Wuilmart. 

Jean Jauniaux , le 21 avril 2020


"La Confusion des sentiments et autres récits" de Stefan Zweig, 
Nouvelles traductions sous la direction de Pierre Deshusses, 
"Bouquins", Robert Laffont

"LA REMISE A NEUF DE ZWEIG"

Vers le site de l'éditeur

C’est une grande opération de rénovation. Plus besoin de rassembler tant bien que mal les vieilles éditions de poche des récits de Stefan Zweig accumulés au fil des ans ou hérités leurs lecteurs précédents, dénichés pour une bouchée de pain dans une brocante ou simplement trouvés abandonnés sur une tablette de wagon de chemin de fer ou sur un banc public : les voici tous comprimés en un volume, pratique, maniable et compact comme le sont tous ceux de cette fabuleuse collection Bouquins dont on ne chantera jamais assez les éloges. A côté de la Pleiade, guindée, prétentieuse et de plus en plus indéchiffrable à mesure que le lecteur prend de l’âge, elle apparaît comme un véhicule des plus confortables du pur plaisir de la lecture.
Or, du plaisir, Stefan Zweig en a dispensé à foison, de son vivant déjà et après sa mort davantage encore. Il est l’écrivain de langue allemande le plus traduit et le plus lu au vingtième siècle. Il dame le pion à quelques géants : Thomas Mann, Musil, Hofmannsthal et consorts. Ces derniers, jaloux de son succès, ne dissimulaient pas leur mépris pour ce collègue qui, lui, ne se lassait jamais de reconnaître leurs mérites. Car Zweig était le bon confrère par excellence, et pas seulement avec les littérateurs de sa culture, il entretenait des relations transfrontalières avec ses contemporains dont il savait la langue, et il en maîtrisait quelques-unes. C’est ainsi qu’il était l’ami de Romain Rolland, à qui il consacra dès son jeune âge une étude monumentale, de Jules Romains dont on se demande quand il sortira d’un purgatoire qui pourrait bien être définitif, et aussi de quelques Belges de grand format, comme Emile Verhaeren ou Franz Masereel. Qu’il partage les opinions de ces intellectuels de gauche prouve bien qu’il ne collait pas avec l’image du lettré bourgeois dans laquelle on l’a enfermé.
Il était, il est vrai, le fils d’un patron d’une grande usine de textile autrichienne dont, à la mort de son père, il laissa la gestion à son frère, lui se contentant d’en toucher les dividendes. Ses droits d’auteur, à la mesure de ses talents, ne faisaient que grossir davantage ses revenus plantureux. Mais cela lui permettait surtout d’en faire partager les avantages par ses confrères : sa somptueuse propriété de Salzbourg était, avant 1933, le carrefour de l’intelligence européenne. Cette utopie se fracassa dès la prise de pouvoir de Hitler et lorsque l’Anschluss, applaudi par la majorités de ses compatriote, plongea son pays dans le cauchemar. Il fut donc forcé à l’exil, jusqu’au Brésil, où il prit, à soixante ans, en 1942, la dose de Véronal nécessaire pour fuir un monde qu’il avait vu s’écrouler.
Mais il laissait, en-dehors de bon nombre de magistrales biographies, une œuvre de fiction qui ne connut jamais la désaffection du public. Ce sont ces récits, tous écrits sur le fil du rasoir, d’une finesse et d’une humanité extrêmes, subtils et généreusement mis à la portée de tous, qui se trouvent réunis dans ce volume qui nous présente des textes comme remis à neuf du fait d’un admirable travail collectif de retraduction. Françoise Wuilmart, directrice du Centre Européen de Traduction Littéraire de Bruxelles et du Collège Européen de Seneffe est l’un des sept orfèvres réunis par Jérome Deshusses pour assurer cette entreprise de restauration. On a beau connaître quelques-uns des textes réunis, on les redécouvre à la faveur de cette lecture collective où le scrupule le dispute au talent. D’autres versions vont suivre sans doute, à la faveur de l’entrée de Zweig, 70 ans après sa mort, dans le domaine public. Mais il serait étonnant qu’elles atteignent le niveau de qualité de celle-ci.
Jacques De Decker (2013)



Les "Marges" s’enchaînent sur quelques mesures de l’allegro moderato alla fuga de la Sonate n°2 de Nicolas Bacri interprété par Eliane Reyes. Ce morceau est extrait du récent CD enregistré chez NAXOS des "Oeuvres pour piano de Nicolas Bacri" interprétées par Eliane Reyes
Référence : NAXOS 8.572530

N.B. Vient de paraître en février 2020, aux Editions Robert Laffont, la nouvelle traduction par Françoise Wuilmart de la biographie de Magellan par Zweig. 
Lien vers le livre