mercredi 10 août 2016

Hommage à Philippe Roberts-Jones





Le monde de l’art et des lettres est en deuil. Le Baron Philippe Roberts-Jones est décédé ce mardi 9 août 2016. Apprenant sa disparition, je n’ai pu m’empêcher de songer aux différentes rencontres qui m’ont permis de connaître un peu l’homme derrière la grande figure publique. C’est le privilège de l’intervieweur, par le biais des entretiens radiophoniques que je réalisais, de s’offrir ces colloques singuliers auxquels Philippe Roberts-Jones aimait se livrer.
Son épouse Françoise m’accueillait dans le vestibule de leur maison, me disait à chaque visite combien Philippe appréciait ces évocations que je stimulais par mes questions. Je sais que, davantage que les interrogations que je lui soumettais, l’émotion qu’avait suscitée, chaque fois, la lecture de ses livres, nourrissaient nos conversations. 
Ces entretiens figurent toujours sur le site de la webradio www.espace-livres.be et donnent l’occasion de ré-entendre la voix du poète et du nouvelliste évoquer ses livres récents : « Image verbale, image visible », « Fictions 1991-2004», « Tout est brume », « Couleurs d’un éveil » , « Poésie 1944-2004 »

Nous laissons à d’autres le soin d’évoquer et de rappeler la diversité et l’envergure de l’œuvre laissée derrière lui par Philippe Roberts-Jones, mais aussi l’intensité d’une vie engagée depuis l’adolescence jusqu’à ses derniers jours. Il suffit de relire la biographie qui lui est consacrée sur le site del’Académie royale de langue et littérature française de Belgique, dont il était membre, puis Directeur et Secrétaire perpétuel  pour se rendre compte de la nécessité de saluer le résistant, l’historien d’art, le professeur d’Université, le critique d’art, le conservateur et animateur de différents musées, mais aussi l’essayiste, le poète et le nouvelliste.
Je conserve dans l’album de mes souvenirs la pétillante gentillesse avec laquelle il se laissait surprendre lorsque je m’efforçais de débusquer au-delà de l’homme public et de la sommité qu’il était, les sources intimes de son inspiration poétique et esthétique. Il souriait alors, plissait les yeux et se livrait à la confidence maîtrisée par la sagesse, l’intelligence et l’humanité.

Philippe Robert-Jones était aussi, mais qui s’en étonnerait ?, un membre éminent depuis plusieurs décennies de PEN Belgique qui ne manquera pas de lui rendre hommage.

Jean Jauniaux
Président de PEN club Belgique
Le 9 août 2016

Ci-dessous, les liens vers les entretiens d'Edmond Morrel avec Philippe Roberts-Jones et les textes  qui les présentaient.




Philippe Jones inaugure la nouvelle collection "Essais et témoignage" des Editions Le Taillis Pré. Yves Namur, créateur et animateur de cette maison, ne pouvait être mieux inspiré que de solliciter Jones : depuis 65 ans le poète entrelace son écriture aux images qu’elle inspire à autant d’artistes qui sont devenus amis ou complices.
La table des matières est un formidable catalogue dont rêverait plus d’un galeriste de l’art contemporain. Nous ne citerons pas tous les noms : à chacun d’y aller voir ! Au cours de l’entretien que nous a accordé Jones, quelques artistes ont été évoqués au fil de l’évocation du livre : Jo Delahaut, Lismonde, Roger Dewint, Ania Staritsky, Maurice Pasternak...
Hommage au livre-objet, à l’amitié des artistes, à la poésie et à l’image, ce livre est aussi une autobiographie par allusions, par effleurements. Une façon aussi d’entrer dans l’univers si particulier de celui qui termine ainsi le livre : "Oui, c’est à l’image formulée, verbale ou visible, d’apparaître. Elle est le sang, elle est la vie."
Et dans le cas de Philippe Jones, comme le souligne justement Thierry Horguelin - qui a été le maître d’oeuvre éditorial attentif et attentionné de cet ouvrage - "Philippe Jones mène une double vie de poète et d’historien d’art. Les mots et les images, l’amour des livres et la complicité avec les artistses ont occupé dès sa prime jeunesse une part essentielle de son existence"
Jones nous fait l’amitié de dévoiler ici la double image de sa vie, verbale et visible.


Nous avions rencontré Philippe Jones à l’occasion de la sortie de "Poésies", premier volume de ses oeuvres littéraires qui réunissait les poèmes de Jones, écrits à partir de 1944. Le poète avait vingt ans. Nous l’avions également interviewé avec Roger Dewint qui avait illustré un livre d’art où se répondaient le texte de l’un et la gravure inspirée de l’autre dans un livre d’art : "Tout est brume". Il a attendu 1991 pour aborder les rivages de la fiction dont il adopte la forme courte. Entre 1991 et 2004, il publie cinq recueils réunis dans le volume qui nous est l’occasion de le rencontrer. Pour être exhaustif, il conviendrait de mentionner les (trop rares) contributions qu’il donne à la revue littéraire "MARGINALES".
Philippe Jones nous a reçu chez lui, dans un salon éclairé autant par le soleil d’un printemps tardif que par le sourire attentif et prévenant de Françoise, son épouse qui, tout en écoutant discrètement l’entretien, veille à ce que nous ne soyons pas dérangés par le téléphone.
Les tableaux accrochés aux murs dans la demeure du poète (Grand prix de poésie de l’Académie française) qui a consacré sa carrière à l’histoire de l’art semblent faire écho à la préface que Jacques De Decker a écrite pour "Fictions" et qui se termine par cette proposition : "Tout se passe, dans ces brassées de courts récits (...), comme si le monde que nous croyons connaître n’était que l’indice d’un autre, dont nous ne capterions que des ombres, des ombres portées comme dit l’un de ses titres, et qu’il nous soit donné alors, furtivement, d’y pénétrer en douce."
Plongez-vous dans la lecture de ces fictions courtes dont l’énigmatique musique du style trouve peut-être sa source dans l’entrelacement de la poésie et de la peinture.


Le graveur Roger Dewint a mis en image trois poèmes de Philippe Jones. Dans une typographie de Jean Coulon, ils sont dorénavant un livre d’art. Nous avons réuni autour d’un micro le poète et le dessinateur pour un échange complice entre deux grands artistes qui semblent se découvrir continûment dans la lecture réciproque de leur travail.


Le dernier recueil de poèmes de Philippe Jones, "Couleurs d’un éveil", est une invitation à découvrir l’univers poétique d’un toujours jeune poète qui avait été fêté pour ses quatre-vingts ans par une anthologie de son oeuvre poétique dont les envols lumineux ont débuté en 1944. Deux ouvrages à (re)découvrir d’un grand poète dont on relit aussi avec bonheur les nouvelles déroutantes et les essais érudits.
Nous avons interrogé l’académicien par une belle matinée de février ensoleillé, chez lui dans la rue qui porte le nom de son père, grand résistant exécuté par les nazis, Philippe Roberts-Jones. C’est peut-être dans la mémoire, incessamment explorée, de l’exécution de son père, qu’il faut rechercher une des sources de la nécessité vitale de la poésie chez Philippe Jones. C’est peut-être dans cette injustice fondatrice que le poète a puisé les tensions auxquelles s’arcboute chacun de ses poèmes : rechercher sans cesse comment rendre dicible ce qui fait le monde et, sans repos, l’interroger. On est surpris, à lire le dernier recueil, d’y retrouver la lumière, la force, la sensualité, la révolte qui traversent l’oeuvre rassemblée dans l’anthologie depuis les premiers poèmes publiés lorsque Philippe Jones a vingt ans.
Dans cet entretien à bâtons rompus, Philippe Jones nous dit le rôle de l’écriture poétique et la place de la poésie dans un monde de l’immédiat. Nous essayons de lui proposer des pistes de lecture sur la vigilance de la poésie, sa capacité d’éradiquer le préjugé, le préconçu, son entrelacement avec l’image, avec le réel.
Ecoutez cet entretien qui, gageons-le, vous donnera l’envie de vous laisser envoûter par la poésie de Philippe Jones.