« Papas »
Michel Torrekens
Recueil de nouvelles
Editions Zellige
Les Editions Zellige avaient accueilli dans leur collection Vents du Nord (dédiée aux écrivains belges, trop souvent méconnus hors de leurs frontières " peut-on lire sur la page de présentation de cette belle maison d'édition à laquelle nous consacrerons bientôt une rubrique) le
premier roman de Michel Torrekens, « Le géranium de Monsieur Jean »
qui avait inauguré en 2013 le palmarès du Prix Saga du premier roman belge
francophone. Torrekens nous revient, accompagné de 13 « Papas ! » qu’il met en scène dans autant de
nouvelles qu’il dédie A (son) père, né du silence et retourné au
silence .
En me donnant d'un geste las une liasse de factures, ma postière préférée, A., se désole avec moi de ce mois d'août. La détresse automnale du ciel ne la chagrine pas pourtant: elle peut pousser d'un pas plus allègre son diable aux couleurs de la Poste. Non, ce qui la désole c'est de n'avoir aucun colis de livres à débattre avec moi. N'empêche, lui dis-je! profitons en pour revenir en arrière de quelques mois!
Nous nous installons dans le hall de l'immeuble et, sous le regard sévère de la concierge (jalousie? curiosité?) qui ne cesse de vouloir passer le torchon ("serpillère" pour nos amis français) sous nos pieds alors que nous sommes confortablement assis sur le canapé orange réservé aux occupants de l'immeuble et à leurs visiteurs, je sors de ma poche un recueil de nouvelles à propos duquel, en juin justement, j'avais écrit quelques lignes.
Voici en substance, ce dont nous avons débattu, A. et moi avant qu'elle ne reprenne la tournée des boîtes à lettres, le coeur plus léger, avec dans la poche un livre qu'elle se régale de lire dans le train... A demain! me sourit-elle, en narguant la concierge dont elle interrompt le balayage.
Si j’avais eu la possibilité de le soumettre à la rencontre
radiophonique, ce qui ne m’a pas été permis faute de temps avant la « fête
des pères », épisode annuel qui à n’en pas douter permettra à ce livre de
trouver un public mérité, je lui aurais demandé de lever le voile sur cette
énigmatique dédicace. On sait combien l’inspiration puise au plus profond des
êtres lorsqu’ils décident de prendre la plume et de raconter des histoires.
Rien n’est innocent : c’est ce qui donne sans doute à un récit
authentique cette faculté de nous
devenir immédiatement proche, de ressentir dans la sincérité du nouvelliste à
l’égard de ses créatures une générosité à laquelle nous ne pouvons qu’adhérer.
Pour
deux textes de ce recueil, « Vader »
et « Le fils de l’ombre »,
j’éprouve une sensation particulière, celle de retrouver, retravaillées,
affinées, intensifiées les nouvelles
parues auparavant en revue et en particulier dans la revue
« MARGINALES » à laquelle Torrekens rend hommage et exprime sa
gratitude au directeur de celle-ci, Jacques De Decker. Je ne peux laisser
passer l’occasion qui m’est ainsi donnée de mettre en évidence ce rôle
particulier , pour Torrekens, des revues dans lesquelles il « teste »
en quelque sorte le travail en cours. D’emblée, il sait que ces textes sont
destinés à composer un tout cohérent, relié par un fil d’Ariane dont il délie,
un par un, à son rythme, les nœuds et les intrigues. Dans « Vader »,
on aperçoit aussi l’emprise du réel, de l’Histoire sur la fiction avec ce
personnage d’homme politique socialiste assassiné sur un parking de Liège, dont
le même De Decker avait nourri le puissant roman « Le ventre de la
Baleine » (Editions Weyrich).
Dans
chaque nouvelle Michel Torrekens explore l’indicible lien qui se tisse entre un
père et un enfant, le déroule dans le passé, en Belgique, dans un avenir
imaginaire, en Afrique, en prison. L’enfant est garçon ou fille, l’énigme reste
aussi subtilement éclairée par le regard du nouvelliste.
Ceux qui le
connaissent savent qu’il n’élève pas la voix, qu’il aime écouter, qu’il sait
entendre, le regard malicieux contredit l’apparente bonhommie, la conviction
n’enlève rien de la fragilité qui fait de ce tempérament attentif une source
inépuisable d’empathie pour ceux qu’il rencontre aussi bien que ceux qu’il
invente. Ses « Papas ! » sont baignés de cette tendresse qui
transparaît, une fois le livre terminé, comme lorsque d’un tableau pointilliste
on s’éloigne pour mieux l’embrasser.
Edmond
Morrel, Bruxelles le 5 août 2016.
Treize portraits de pères. Autant de rencontres, souvent heureuses, ou parfois de rendez-vous manqués, avec leurs fils ou leurs filles. Mais pourquoi des pères ? En vingt-cinq ans de journalisme, Michel Torrekens a côtoyé des hommes et des femmes qui lui ont raconté leur relation avec leur père, entre joies et difficultés.
Mais ici, ni sociologie, ni journalisme. Il s’agit bien de treize fictions où s’expriment une émotion et une forme d’appel à plus de paternité dans nos sociétés.
On pense bien sûr à cette superbe chanson de Stromae qui a fait le tour du monde : … où t’es, papa où t’es ?... Tout le monde sait comment on fait les bébés, mais personne ne sait comment on fait des papas…
Des récits aux tons variés, qui abordent des réalités d’aujourd’hui, avec pour décors la mer du Nord, Bruxelles, l’Afrique, la France…
L’ouvrage débute par une très belle préface en forme de clin d’œil, signée Patrick Nothomb, lui aussi père… d’une certaine Amélie.