dimanche 1 juillet 2018

Les concertos pour violon de Sibelius (1865-1957) et de Rautavaara (1928-2016)

"Sans la musique..." 
Les chroniques de Jean Lacroix


Le couplage des concertos pour violon de Sibelius (1865-1957) et de Rautavaara (1928-2016) est certes inhabituel, mais il est logique (Alpha 357). Non seulement parce qu’il s’agit de deux musiciens finlandais de première importance, mais aussi en raison de l’aval artistique accordé par Sibelius à son cadet en 1955, lorsque le compositeur d’En Saga décida l’attribution d’une bourse à ce jeune artiste, dont le talent s’amplifiait. Des études à la Juilliard School de New York allaient suivre pour Einojuhani Rautavaara, âgé alors de 27 ans. Son concerto pour violon devait voir le jour deux décennies plus tard, en 1977. Le musicien était devenu une figure centrale de la musique de notre temps lorsqu’il retourna, pour la première fois depuis ses études, dans l’animation des rues de Manhattan qui l’inspirèrent pour plusieurs de ses partitions. Comme l’explique l’instructive notice du livret, Rautavaara a construit ici deux mouvements de durée presque égale, qui répondent chacun à un schéma exposition - lent - scherzo et finale, mouvements dans lesquels le violon trace un chemin d’une portée lyrique intense qui accroche l’auditeur du début à la fin. Avec les bois ou les cuivres (le cor en particulier), le violon dialogue en osmose. L’orchestre tisse pour lui un tapis qui subjugue par sa subtilité, mais aussi par le rythme qui s’impose au fur et à mesure, dans un échange brillant entre l’instrument et un orchestre des plus passionnés. Tobias Feldmann, âgé de 27 ans, qui fut le quatrième lauréat du Concours Reine Elisabeth 2015, livre une vision parfaitement contrôlée ; il installe un climat ardent qui parcourt cette œuvre splendide que l’on souhaiterait voir programmée dans nos concerts. Dans le concerto de Sibelius, le soliste, conscient de la forte concurrence discographique à laquelle il doit faire face, prend la partition à bras le corps dans un geste ample, avec une sonorité lumineuse, riche et franche qui rend justice à une musique à la fois sensuelle et éthérée. Les moments d’émotion, de retenue et de poésie sont nombreux, et l’on se prend souvent à rêver à de vastes paysages intérieurs.Voilà un disque cohérent et intelligent, d’autant plus que l’Orchestre Philharmonique de Liège, qui ne cesse de démontrer ses qualités, est dirigé par Jean-Jacques Kantorow. Lui-même violoniste, il sait offrir à Feldmann l’accompagnement adéquat. Un beau CD de violon, pour un enregistrement d’avril 2017, effectué en cité ardente, dans la superbe salle du boulevard Piercot.

Jean Lacroix