samedi 4 mars 2017

"L'angle de vue" : Portrait de Philippe Jones par le cinéaste Yvon Lammens


 (Dans le cadre des activités de PEN Club Belgique, nous publions des articles consacrés à l'actualité littéraire des écrivains et à des artistes membres du centre belge francophone de PEN International. Edmond Morrel avait rencontré la plupart d'entre eux à l'occasion d'interviews radio qui sont renseignées en fin de rubrique et qui sont toujours accessibles à l'écoute et au podcast sur www.espace-livres.be 
(Jean Jauniaux, Président de PEN Club Belgique )
                   

Cinéaste multiple dans ses curiosités Yvon Lammens plante sa caméra et ses micros aussi bien, dans des sites miniers abandonnés au Congo que sous les lambris de l'Académie royale de langue et littérature française de Belgique, au Musée de l'Armée, dans les archives de la première Guerre Mondiale que dans les ateliers d'artistes. 
                     Cinéaste de la patience, Lammens n'hésite jamais à consacrer plusieurs années à un même sujet si ce dernier l'exige. 
                 L'important pour lui n'est pas l'actualité, mais l'avancée progressive dans la compréhension des thèmes qu'il aborde et dans la complicité avec les personnalités dont il filme le portrait sensible.
Yvon Lammens (© J. Jauniaux)

              Cette démarche nous donne des oeuvres hors-norme, inspirées elles sont aussi instruites et documentées, fluides elles ne reculent pas devant les obstacles qu'elles entourent pour mieux les saisir, argumentées elles n'imposent pas un point de vue, mais nourrissent la curiosité, l'envie d'en savoir davantage.
          On doit à Lammens une filmographie singulière par sa diversité et exemplaire par ses engagements. Il suffit d'aller visiter le site que lui consacre Cinergie pour s'en convaincre:l'Afrique, les SDF, la littérature, l'art contemporain, l'histoire sont autant de sources d'inspiration pour cet observateur engagé.

             Un hommage rendu par l'Académie Royale de Belgique à Philippe Roberts-Jones nous a donné l'occasion une nouvelle fois de constater ce qui fait de l'approche documentaire de Lammens, une plongée dans le temps et l'espace d'un destin, fut-il exceptionnel comme celui de Jones qui fut poète, écrivain, historien d'art et académicien, mais aussi directeur des Musées Royaux et fondateur du Musée d'Art Moderne à Bruxelles, professeur à l'université de Bruxelles, ami des plus grands artistes de son temps et des écrivains, ses pairs. Pendant 16 ans, Yvon Lammens a filmé Philippe Jones dans les circonstances officielles qui faisaient de lui un homme public, célébré et honoré (ne serait-ce que par l'Institut de France), un intellectuel brillant, un érudit de haut vol. Pendant 16 ans, le cinéaste a surtout noué avec son sujet une complicité affectueuse, un compagnonnage sans fatuité qui permirent à l'un de filmer au plus près, à l'autre de se  livrer avec amitié, aux deux de nous donner un portrait érudit, souriant, de la vie d'un homme du siècle qui s'est éteint au milieu de l'été 2016.

              Se jouant de la chronologie qu'il alimente d'anecdotes et de points de repères, le film déroule les différents fils qui, au bout de 50 minutes, constitueront un ensemble dont la cohésion surprend, tant elle parvient à restituer de façon idéale le parcours d'un homme engagé dans la cité. Cette cohésion, cette cohérence viennent autant de ce qui a fait le destin de Philippe Jones, marqué à l'entrée de l'âge adulte par la mort de son père fusillé par l'occupant nazi, que du regard attentionné du cinéaste. Fragments de conversation, (on ne peut pas parler d'"interview"tant la complicité est confiante), regard soudain pétillant par l'évocation d'un souvenir, sourire bienveillant ou grave, mouvement des mains, de la tête, rien de ce qui peut signifier n'échappe au réalisateur de ce portrait.

            On dit que l'Histoire nous construit. Celle qui transparait ici, dans la lumière d'une vie insatiable, nous offre un inestimable viatique dont on ne dira jamais assez combien il mériterait d'être diffusé, partagé, commenté. 

         On sait que d'autres films sont en attente dans la salle de montage du cinéaste. On les attend déjà avec impatience. Qu'il ne se décourage pas de les achever!

Edmond Morrel, le 4 mars 2017

Pour en savoir davantage...

Nous avons interviewé à plusieurs reprises Philippe Jones. Ces entretiens sont toujours en ligne sur le site www.espace-livres.be   

A propos de 

"Tout est brume" (avec Roger Dewint) : http://www.espace-livres.be/Tout-est-brume