samedi 9 septembre 2017

Les "Leçons de ténèbres" de Corinne Hoex

Leçons de ténèbres
Corinne Hoex

Editions Le Cormier



L'oeuvre de Corinne Hoex, bientôt célébrée par l'entrée de la romancière et poète à l'Académie royale de langue et littérature française de Belgique (elle succédera à Françoise Mallet-Joris) , s'étend sur deux versants d'une inspiration sensible et dense. 

Lumière et ténèbres alternent dans une bibliographie partagée entre romans et recueils de poésie. Il est vrai, la face noire de la lumière a jusqu'à présent prévalu, comme si elle nourrissait d'une énergie paradoxalement salutaire l'écriture de Corinne Hoex. Dans quelques nouvelles et roman, l'interstice de lumière a éclairé des titres comme "Valets de nuit" où l'auteure s'abandonne aux délices des phantasmes érotiques de sa narratrice et dans d'autres textes où l'abandon aux vertiges de la férocité est délectable.

Ici, la poète nous entraîne de l'autre côté,  vers La face noire de la lumière. Sa souffrance. Son vertige. 
Le recueil se partage en cinq mouvements, qui à travers le Noir, les Solitudes, le Vide, les Crépuscules nous attirent comme un soleil noir vers la "dévoration" insatiable de la souffrance. Le recueil culmine dans l'évocation du compositeur Carlo Gesualdo, Prince tumultueux./Sulfureux./Meurtrier./Prince jaloux./Vengeur./Tourmenté. 

Par quels cheminements de l'âme poétique le musicien de la Renaissance italienne, dont les musicologues et les historiens ont retenu la "légende noire" (une malédiction née de la vengeance meurtrière perpétrée par Gesualdo à l'encontre de sa femme et de l'amant de celle-ci) , a-t-il ouvert à la poète un chemin si dépouillé et d'une telle intensité qu'on aimerait un jour qu'il fut orné de musique et saisi par le chant polyphonique. 
Voyez s'il est une souffrance/semblable à la mienne exhale Gesualdo à Hoex, au-delà des siècles et de l'Histoire. 
La voix de la poésie, entrelacée à la musique serait-elle la lumière éclairant l'autre versant, vertigineux: Et cette joie pourtant/Joie d'être là dans le vide sublime. Ivresse de ne pas être.

On ne se lasse pas de lire et relire ce bref recueil dont les entrées sont multiples. Interrogation sur le repentir, exploration de la conscience, vertige de la solitude, ivresse de la souffrance nous sont apparues à la lecture répétée de ces Leçons de ténèbres au plus profond desquelles résonne longtemps encore la ferveur poignante d'une poésie essentielle.

Jean Jauniaux, le 9 septembre 2017.

L'éditeur:

Le recueil est publié aux éditions Le Cormier dont il faudrait à chaque parution saluer l'indispensable énergie poétique et éditoriale d'une maison créée à Bruxelles en 1949 par Fernand Verhesen et qui propose un catalogue poétique de plus de quatre-vingt écrivains parmi lesquels (Nous en avons rencontrés certains dans l'Espace-Livres) Philippe Jones,  Guy Vais  Albert Ayguesparse, Werner Lambersy, Véronique Bergen, Serge Meurant, Anne Penders, Luc Dellisse etc. (liste complète)

La musique de Gesualdo:

Pour entrer dans la musique de Gesualdo: Tristis est anima mea

Sur la web radio espace-livres.be

Nous avons rencontré et interviewé Corinne Hoex lors d'entretiens, au micro d'Edmond Morrel toujours disponibles :

"Valets de nuit"
"Décidément je t'assassine"