mardi 13 novembre 2018

"La chute d'Icare": un nouveau livre de Vincent Sarti, rêveur d'histoires...

L'ironie douce de Vincent Sarti n'est pas le moindre des enchantements que procure son dernier livre , La chute d'Icare (Editions Dricot), accompagné d'une préface enthousiaste de Hughes Dayez.  Sous ce titre générique qui est aussi celui de la première nouvelle du recueil,  l'auteur, à qui on doit déjà deux romans (L'ange libertin et Version originale), a choisi de réunir cinq nouvelles et une pièce de théâtre. 
Ecouter l'interview de Vincent Sarti sur Soundcloud 

Sarti maîtrise avec sensibilité le rythme particulier qu'exige la nouvelle, un genre dont il  redonne le goût de ces lectures brèves, stimulantes et souvent désarçonnantes.  A l'instar d'un Tchékhov ou d'un Maupassant, il se place au plus près du coeur battant de ses personnages pour lesquels il ressent et exprime une empathie aussi souriante que sincère. Sarti est un raconteur d'histoires, un vrai, qui revendique ne pas avoir de leçons à donner. A l'histoire et aux personnages d'éveiller en nous tel souvenir, telle émotion, de susciter un regard nouveau et sans doute plus charitable sur le monde cruel que nous partageons avec la plupart des narrateurs de La chute d'Icare.
Dans la préface qui ouvre l'ouvrage, le critique de cinéma Hughes Dayez écrit fort justement que "les personnages de ses histoires ressemblent (à Vincent Sarti). ils sont aussi rêveurs que discrets, pas forcément très à l'aise avec les modes de notre époque, mais ils échappent aux vicissitudes de l'existence par la grâce de l'imagination et les vertus inaltérables de l'humour."
Cette préface, - qui aurait gagné à être au moins annoncée en couverture de l'ouvrage - , constitue en soi une nouvelle. Celle de la rencontre fortuite entre le préfacier, éminent critique de cinéma, et le romancier, cinéphile compulsif (en particulier pour les films "populaires" ). Ce dernier, au hasard d'une brocante qu'il tient devant sa maison, attire l'attention du premier et, sympathie spontanée aidant, l'entraîne "visiter son antre secret, son grenier où son amour pour le cinéma d'antan se concrétise par un ancien projecteur, un écran et quelques magnifiques vestiges du septième art."

Dans chacune des nouvelles apparaissent des êtres inattendus: l'employé de marketing qui tente en vain de nouer une conversation de cantine avec le "grand patron" de son entreprise et qui se brûle les ailes d'une fausse ambition à trop se rapprocher du soleil (La chute d'Icare); Joseph, vieillard dont l'instinct d'euthanasie s'exerce par charité humaine (Chauds les glaçons); Philippe Sarlet, celui qui nous a le plus touché dans cette galerie de personnages, trouve la force d'affronter amis, collègues et autres comparses du quotidien en se mettant dans la peau des acteurs du cinéma populaire qu'il vénère: Mitchum, Sinatra, Dean martin lui prêtent la dégaine ou la réplique appropriées. Qu'advient-il alors du malheureux Sarlet lorsque les stars l'abandonnent...? (En scope et en couleurs); Monsieur Dutilleul sidéré par le nez de son interlocuteur lors d'un entretien d'embauche qui lui vaudra à la fois un emploi et son premier client dans une entreprise singulière (Mon premier client); Quant à Audrey, jeune fille qui doit son prénom à l'admiration que vouait son père à Audrey Hepburn, elle nous raconte sa rencontre avec Une étoile solitaire aperçue à l'entrée de la cérémonie des César en 198. Voici autant de personnages et leurs protagonistes dont le nouvelliste a ciselé d'attachants portraits, souriant souvent et grinçant parfois, mais toujours rêveurs éclairés de ce halo d'humanité qui nous réconcilie avec le monde pour quelques instants de grâce, consacrés à la lecture de ce recueil de nouvelles et de la pièce de théâtre qui les accompagne.

Jean Jauniaux, Bruxelles le 13 novembre 2018 

Le livre est paru aux Editions Dricot . Un interview sonore de Vincent Sarti est disponible sur soundcloud.