vendredi 23 novembre 2018

Sainte Cécile: patronne des musiciens... Une virtuosité sans faille de l'Ode for St Cecilia's day de Handel

L’Ode à Sainte Cécile de Haendel par le Dunedin Consort

Lien vers le CD

Fondé en 1995, le Dunedin Consort tient son nom de l’ancienne appellation celtique du château d’Edimbourg, le Din Eydin. Cet ensemble baroque a rapidement acquis ses titres de noblesse à travers des émissions de la BBC, mai aussi par le biais d’enregistrements d’œuvres de Monteverdi, Bach, Mozart ou Haendel, salués avec faveur par la critique. Cette fois, c’est encore à des partitions de Haendel qu’il s’attache, dans un CD Linn (CKD 578) enregistré au Festival de Cracovie Misteria Paschalia de 2018, ce qui lui permet de s’adjoindre les forces du remarquable Chœur de la Radio polonaise. Au programme, l’Ode à Sainte-Cécile, patronne traditionnelle des musiciens. 
Cette œuvre splendide date de 1739 ; elle a été créée la même année, à Londres, le 22 novembre, jour de la fête de Sainte-Cécile, au cours d’un concert qui vit la reprise de l’ode fastueuse Alexander’s Feast, composée en 1736, qui saluait déjà la sainte ; quelques concerti complétaient l’audition. La musique joue un rôle fondamental dans l’harmonie de l’Univers, c’est ce qu’exalte Haendel, avec des textes issus d’un poème éponyme de Dryden écrit en 1687. S’il parle avec foi de la nature, c’est bien parce qu’il écrit une partition riche en couleurs, dont l’inspiration se maintient tout au long de trois bons quarts d’heure, avec une alternance de pièces instrumentales, d’arias et de passages choraux. On ne compte plus les réussites discographiques pour cette pièce lyrique dont le charme, la pureté et l’expressivité envoûtent l’auditeur. Harnoncourt, Willcocks ou Pinnock s’en étaient emparés avec une réussite totale, maintenant l’architecture globale dans la transparence, la concentration et la ligne voulues. John Butt, le leader du Dunedin Consort, s’inscrit aisément  dans cette grande tradition, il emporte le tout dans l’enthousiasme et la ferveur, dans la délicatesse ou la modération, avec des rythmes incisifs ou des richesses émotionnelles sans cesse renouvelées. 
Le travail des chœurs polonais emporte l’adhésion à travers l’engagement fourni et le relief des interventions. A tout cela s’ajoute le choix des deux solistes. Là aussi, on se régale. Ian Bostridge est sensible, la voix est claire, son intonation est naturelle et si équilibrée qu’elle en devient exemplaire. Quant à la soprano Carolyn Sampson, en état de grâce (comme elle l’est la plupart du temps dans la musique baroque), elle exprime tant de finesse, d’humilité et de séduction de timbres, avec un léger vibrato maîtrisé, qu’elle s’immisce dans notre cœur pour mieux l’étreindre. Le mouvement final, d’une fluidité et d’une ductile souplesse, permet aux chœurs polonais de se surpasser dans un élan irrésistible qui clôture l’oeuvre avec panache. Ah, le beau disque à thésauriser! Il traduit à merveille le propos de l’exaltation de la nature, mais aussi et surtout celle de la musique. En complément de programme, le concerto grosso opus 6 n° 4, qui fait partie de ce que l’on peut considérer comme le chef-d’œuvre haendelien dans le domaine orchestral, est servi par les instrumentistes du Dunedin Consort avec une virtuosité sans failles. C’est un bien bel hommage qui leur est ainsi rendu.   

                                                                                                                        Jean Lacroix