jeudi 8 novembre 2018

Francesco Geminiani:les concerti grossi






Né dans la cité de Lucques en 1687, comme plus tard un certain Puccini, Francesco Geminiani est décédé à Dublin en 1762. Dès 1714, ce violoniste, compositeur et théoricien s’était créé à Londres une solide réputation de virtuose et de pédagogue. Il séjourna ensuite entre Dublin et la capitale anglaise, donnant des concerts, ouvrant une salle de spectacles, tout en se consacrant à l’enseignement. Passionné par l’art, il était aussi devenu un collectionneur fortuné. Elève de Corelli, il avait suivi la ligne de la tradition, mais s’était attelé à perfectionner la technique du violon, notamment par l’apport de changements de position et la recherche d’effets, que l’on peut découvrir dans ses mouvements vifs allants et provocateurs. Il est enfin l’auteur d’un traité sur l’art de jouer du violon, qui a fait autorité pour les générations qui ont suivi. Tartini traitait son jeu de « furibondo ».
Souvent considéré à tort comme un compositeur d’importance secondaire, Geminiani occupa une place logique et reconnue dans le répertoire anglais des concerts jusqu’au XIXe siècle. Il faut reconnaître que sa capacité à ciseler des partitions à la fois mélodieuses et entraînantes, mais plus audacieuses que son maître Corelli ou que Haendel lui-même, n’ y est pas pour rien. Ses deux volumes de concerti grossi de 1732 connurent un vrai succès. D’autres ont suivi, toujours classiques, certes, mais aussi plus novateurs. Parmi eux, les concerti grossi de l’opus 7 de 1748, objet du présent enregistrement réalisé en septembre 2017 (Alpha 396), proposent des partitions dont l’auditeur découvre les effets dramatiques avec un vrai bonheur d’écoute. Trois concerti suivent l’habituelle structure en quatre mouvements, les trois autres sont construits en trois mouvements. Ce qui frappe, c’est la diversité de l’écriture, voire du style ; Geminiani arrive à susciter de l’émotion grâce à l’utilisation de couleurs contrastées. Dans ces pièces, abondent les ornements, les modulations et la clarté des plans sonores. A cet égard le sixième concerto de la série, en quatorze sections réparties sur les quatre mouvements où se succèdent des épisodes courts et plus longs, offre une richesse qui combine la subtilité et l’aspect fantasque évoqué ci-dessus. Ce recueil passionnant, qui séduira tous les amateurs de baroque imaginatif, est servi par le Café Zimmerman, un groupe d’une quinzaine d’instrumentistes qui nous a offert par le passé des versions brillantes d’œuvres de Bach, et fête en 2018 ses vingt ans d’existence. L’ensemble traduit les rythmes avec retenue, souligne la poésie avec finesse et distinction, l’apport des flûtes traversières et du basson recommandé par le compositeur apporte au dialogue des cordes charme et élégance, mais surtout originalité dans l’approche. La relative sobriété pour laquelle Café Zimmerman a opté respecte la langue musicale de Geminiani et enrobe les partitions avec une légitimité que l’on saluera.


                                                                                                                              Jean Lacroix