Né dans la cité de Lucques en 1687, comme plus tard un
certain Puccini, Francesco Geminiani est décédé à Dublin en 1762. Dès 1714, ce
violoniste, compositeur et théoricien s’était créé à Londres une solide
réputation de virtuose et de pédagogue. Il séjourna ensuite entre Dublin et la
capitale anglaise, donnant des concerts, ouvrant une salle de spectacles, tout
en se consacrant à l’enseignement. Passionné par l’art, il était aussi devenu
un collectionneur fortuné. Elève de Corelli, il avait suivi la ligne de la
tradition, mais s’était attelé à perfectionner la technique du violon,
notamment par l’apport de changements de position et la recherche d’effets, que
l’on peut découvrir dans ses mouvements vifs allants et provocateurs. Il est
enfin l’auteur d’un traité sur l’art de jouer du violon, qui a fait autorité
pour les générations qui ont suivi. Tartini traitait son jeu de
« furibondo ».
Souvent considéré à tort comme un
compositeur d’importance secondaire, Geminiani occupa une place logique et
reconnue dans le répertoire anglais des concerts jusqu’au XIXe siècle. Il faut
reconnaître que sa capacité à ciseler des partitions à la fois mélodieuses et
entraînantes, mais plus audacieuses que son maître Corelli ou que Haendel
lui-même, n’ y est pas pour rien. Ses deux volumes de concerti grossi de 1732
connurent un vrai succès. D’autres ont suivi, toujours classiques, certes, mais
aussi plus novateurs. Parmi eux, les concerti grossi de l’opus 7 de 1748, objet
du présent enregistrement réalisé en septembre 2017 (Alpha 396), proposent des
partitions dont l’auditeur découvre les effets dramatiques avec un vrai bonheur
d’écoute. Trois concerti suivent l’habituelle structure en quatre mouvements,
les trois autres sont construits en trois mouvements. Ce qui frappe, c’est la
diversité de l’écriture, voire du style ; Geminiani arrive à susciter de
l’émotion grâce à l’utilisation de couleurs contrastées. Dans ces pièces,
abondent les ornements, les modulations et la clarté des plans sonores. A cet
égard le sixième concerto de la série, en quatorze sections réparties sur les
quatre mouvements où se succèdent des épisodes courts et plus longs, offre une
richesse qui combine la subtilité et l’aspect fantasque évoqué ci-dessus. Ce
recueil passionnant, qui séduira tous les amateurs de baroque imaginatif, est
servi par le Café Zimmerman, un groupe d’une quinzaine d’instrumentistes qui
nous a offert par le passé des versions brillantes d’œuvres de Bach, et fête en
2018 ses vingt ans d’existence. L’ensemble traduit les rythmes avec retenue,
souligne la poésie avec finesse et distinction, l’apport des flûtes
traversières et du basson recommandé par le compositeur apporte au dialogue des
cordes charme et élégance, mais surtout originalité dans l’approche. La
relative sobriété pour laquelle Café Zimmerman a opté respecte la langue
musicale de Geminiani et enrobe les partitions avec une légitimité que l’on
saluera.
Jean Lacroix