Le label Dynamic a soufflé ses quarante bougies
Quarante bougies… et un catalogue
d’une richesse et d’une diversité qu’il faut saluer comme il le mérite. Ce
label italien s’est spécialisé dans la publication d’œuvres lyriques rarement,
voire jamais enregistrées auparavant, ouvrant ainsi bien des perspectives qui
permettent au mélomane de sortir des sentiers battus et d’étancher sa soif de
nouveautés. L’un des derniers exemples de ces raretés est un double DVD (37811)
qui propose Pigmalione de Donizetti
et Che originali ! de Giovanni
Simone Mayr, deux partitions en première mondiale (pour Donizetti, la première
est dans le domaine de l’image sur le support vidéo). Nous sommes en présence,
chez Donizetti, d’une courte séquence de moins de quarante minutes qui date de
1816. Le compositeur avait à peine 19 ans et, à cette époque, il étudiait la
composition à Bologne. Pigmalione n’a
jamais été représenté de son vivant et n’a été créé qu’en 1960 à Bergame. Le
sujet est mythologique, d’après les Métamorphoses
d’Ovide, et évoque un sculpteur qui tombe amoureux de sa statue Galatée,
rendue vivante par Vénus. La partition est légère, elle montre un créateur en
évolution ; elle n’atteint pas le niveau des productions ultérieures de
Donizetti, mais c’est un moment de divertissement, servi par Antonino Siragusa,
le ténor qui a la part belle dans ce court opéra, par Aya Wakizono en Galatée,
un peu moins convaincante, et par l’Orchestra dell’Accademia Teatro alla Scala
placé sous la direction de l’expérimenté Gianluca Capuano (il a dirigé
Cecilia Bartoli à Monte-Carlo). La transposition à notre époque, en costumes
modernes, dans un décor réduit à un carré bleuté avec des néons blafards,
représente une chambre à coucher, et non un atelier d’artiste. Cela ne gêne pas
l’action, certes, mais ne la rend pas non plus attrayante au plus haut degré.
Le jumelage avec Che originali ! peut paraître
insolite, mais il est toutefois naturel : Mayr a été l’un des professeurs
de Donizetti. Auteur de plusieurs opéras, ce compositeur doué a souffert de la
comparaison avec Rossini. Pourtant, son œuvre mérite globalement l’attention.
Il s’agit ici d’une farce qui date de 1798, inspirée par le livre du Français
Nicolas-Ménard Audinot, intitulé La
musicomanie, édité quelques années auparavant. Un baron passionné de
musique, qui se prend pour un compositeur de talent, a deux filles dont les
intrigues sentimentales vont alimenter son existence face aux déguisements de
leurs amoureux et aux audaces de domestiques délurés. Une intrigue mince, mais
amusante, dont la durée dépasse la centaine de minutes. Il en existait déjà une
version en CD sous le label Guild, mais l’image est censée lui apporter un plus
non négligeable. Encore une fois, on en est réduit à un décor assez morne, mais
les costumes chatoyants, qui font souvent penser à des clowns, sont
pittoresques, mettent de la couleur et ajoutent de la gaieté. Quant au chant,
on est dans une moyenne acceptable, Bruno de Simone est un baron farfelu et
bien en place. Certaines voix féminines auraient demandé plus de justesse et de
présence, mais il faut être raisonnable : ce qui compte avant tout, c’est
la mise à disposition d’un répertoire considéré comme de second rayon, souvent
à tort. Les deux œuvres ont été enregistrées en public au Festival Donizetti de
Bergame en 2017, la mise en scène est signée Roberto Catalano.
Profitons de l’occasion ici
donnée pour signaler que le label Dynamic compte à son actif quelques
remarquables productions en DVD, qui nous paraissent d’un intérêt indiscutable.
Nous n’en citerons que quatre. La première est une production de l’Opéra Royal
de Wallonie, Le Roi d’Ys de Lalo,
sous la direction de Patrick Davin, qui date de 2008 et est une première
mondiale en DVD. Les trois autres, filmées à la Fenice de Venise, sont des
mises en scène que l’on doit à Pier Luigi Pizzi et dont le niveau est élevé :
Les Pêcheurs de perles de Bizet de
2004, avec une fantastique Annick Massis dans le rôle de Léïla sous la
direction de Marcello Viotti, Il Crociato
in Egitto de Meyerbeer, en 2007, sous la baguette d’Emmanuel Vuillaume, une
production spectaculaire dans laquelle Patrizia Ciofi est, comme à
l’accoutumée, aussi émouvante tant par son jeu que par la voix, et surtout, Death in Venice de Britten, en
2008 ; Bruno Bartoletti y dirige un plateau exemplaire. Cette vision d’un
chef-d’œuvre laisse dans l’esprit et dans l’âme un goût de cendre, assorti d’un
bonheur musical et vocal. Les amateurs d’opéra à domicile ne doivent pas passer
à côté de ces merveilles.
Jean Lacroix