samedi 15 décembre 2018

40 bougies pour le label Dynamic


Le label Dynamic a soufflé ses quarante bougies


Quarante bougies… et un catalogue d’une richesse et d’une diversité qu’il faut saluer comme il le mérite. Ce label italien s’est spécialisé dans la publication d’œuvres lyriques rarement, voire jamais enregistrées auparavant, ouvrant ainsi bien des perspectives qui permettent au mélomane de sortir des sentiers battus et d’étancher sa soif de nouveautés. L’un des derniers exemples de ces raretés est un double DVD (37811) qui propose Pigmalione de Donizetti et Che originali ! de Giovanni Simone Mayr, deux partitions en première mondiale (pour Donizetti, la première est dans le domaine de l’image sur le support vidéo). Nous sommes en présence, chez Donizetti, d’une courte séquence de moins de quarante minutes qui date de 1816. Le compositeur avait à peine 19 ans et, à cette époque, il étudiait la composition à Bologne. Pigmalione n’a jamais été représenté de son vivant et n’a été créé qu’en 1960 à Bergame. Le sujet est mythologique, d’après les Métamorphoses d’Ovide, et évoque un sculpteur qui tombe amoureux de sa statue Galatée, rendue vivante par Vénus. La partition est légère, elle montre un créateur en évolution ; elle n’atteint pas le niveau des productions ultérieures de Donizetti, mais c’est un moment de divertissement, servi par Antonino Siragusa, le ténor qui a la part belle dans ce court opéra, par Aya Wakizono en Galatée, un peu moins convaincante, et par l’Orchestra dell’Accademia Teatro alla Scala placé sous la direction de l’expérimenté Gianluca Capuano (il a dirigé Cecilia Bartoli à Monte-Carlo). La transposition à notre époque, en costumes modernes, dans un décor réduit à un carré bleuté avec des néons blafards, représente une chambre à coucher, et non un atelier d’artiste. Cela ne gêne pas l’action, certes, mais ne la rend pas non plus attrayante au plus haut degré.

Le jumelage avec Che originali ! peut paraître insolite, mais il est toutefois naturel : Mayr a été l’un des professeurs de Donizetti. Auteur de plusieurs opéras, ce compositeur doué a souffert de la comparaison avec Rossini. Pourtant, son œuvre mérite globalement l’attention. Il s’agit ici d’une farce qui date de 1798, inspirée par le livre du Français Nicolas-Ménard Audinot, intitulé La musicomanie, édité quelques années auparavant. Un baron passionné de musique, qui se prend pour un compositeur de talent, a deux filles dont les intrigues sentimentales vont alimenter son existence face aux déguisements de leurs amoureux et aux audaces de domestiques délurés. Une intrigue mince, mais amusante, dont la durée dépasse la centaine de minutes. Il en existait déjà une version en CD sous le label Guild, mais l’image est censée lui apporter un plus non négligeable. Encore une fois, on en est réduit à un décor assez morne, mais les costumes chatoyants, qui font souvent penser à des clowns, sont pittoresques, mettent de la couleur et ajoutent de la gaieté. Quant au chant, on est dans une moyenne acceptable, Bruno de Simone est un baron farfelu et bien en place. Certaines voix féminines auraient demandé plus de justesse et de présence, mais il faut être raisonnable : ce qui compte avant tout, c’est la mise à disposition d’un répertoire considéré comme de second rayon, souvent à tort. Les deux œuvres ont été enregistrées en public au Festival Donizetti de Bergame en 2017, la mise en scène est signée Roberto Catalano.

Profitons de l’occasion ici donnée pour signaler que le label Dynamic compte à son actif quelques remarquables productions en DVD, qui nous paraissent d’un intérêt indiscutable. Nous n’en citerons que quatre. La première est une production de l’Opéra Royal de Wallonie, Le Roi d’Ys de Lalo, sous la direction de Patrick Davin, qui date de 2008 et est une première mondiale en DVD. Les trois autres, filmées à la Fenice de Venise, sont des mises en scène que l’on doit à Pier Luigi Pizzi et dont le niveau est élevé : Les Pêcheurs de perles de Bizet de 2004, avec une fantastique Annick Massis dans le rôle de Léïla sous la direction de Marcello Viotti, Il Crociato in Egitto de Meyerbeer, en 2007, sous la baguette d’Emmanuel Vuillaume, une production spectaculaire dans laquelle Patrizia Ciofi est, comme à l’accoutumée, aussi émouvante tant par son jeu que par la voix, et surtout, Death in Venice de Britten, en 2008 ; Bruno Bartoletti y dirige un plateau exemplaire. Cette vision d’un chef-d’œuvre laisse dans l’esprit et dans l’âme un goût de cendre, assorti d’un bonheur musical et vocal. Les amateurs d’opéra à domicile ne doivent pas passer à côté de ces merveilles.

Jean Lacroix