Depuis un premier article qu'il lui consacrait en 2005 dans un livre consacré au Concours Pro Civitate, le chroniqueur et écrivain Jean Lacroix suit avec enthousiasme la carrière époustouflante de la violoniste Sylvia Huang. Comment ne pas partager son intérêt pour le parcours exemplaire de la virtuose qui se trouve , aujourd'hui, en finale d'un des plus prestigieux concours internationaux de musique... Nous l'écouterons le 20 mai, notamment dans le concerto de Dvorak qu'elle a choisi de mettre au répertoire de sa prestation en finale. Quel bonheur de laisser ici la plume à Jean Lacroix...en formant le voeu d'un prochain article, au soir de la proclamation des résultats...
Jean Jauniaux
Le jury du Concours Reine
Elisabeth de la session 2019 pour violon a dévoilé les noms des douze candidats
qui accèdent aux finales programmées du 20 au 25 mai. Parmi eux, figure en
toute logique notre compatriote, Sylvia Huang, dont les demi-finales ont été
exemplaires. Les commentateurs ont souligné les caractéristiques du jeu de
cette artiste qui fait carrière parmi les pupitres des premiers violons de
l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam : sûreté de la technique,
maîtrise, fluidité et élégance, mais aussi intensité et pudeur, comme démontré
entre autres dans la Sonate de Janacek, qui a révélé une musicienne accomplie
et raffinée pour laquelle l’émotion est la première des exigences.
On sait que les finalistes résident à la Chapelle Musicale
de Waterloo afin d’affiner leur préparation en toute sérénité, mais aussi de
découvrir l’œuvre imposée. Il s’agit cette année d’une partition du Finlandais
Kimmo Hakola, né en 1958, qui a étudié la composition avec Rautavaara et
Lindberg. C’est le lundi 20 mai que Sylvia Huang se produira (à voir en
télévision, sur la Trois) avec le Belgian National Orchestra, placé sous la
direction de Hugh Wolff ; au cours de sa prestation, on pourra entendre
aussi le superbe Concerto de Dvorak, choix de la soliste. Cette partition, où
la poésie et les couleurs dominent au gré de mélodies fascinantes, devrait être
en parfaite adéquation avec le jeu racé et la lumineuse maturité musicale de Sylvia
Huang. Tous nos vœux l’accompagnent pour cet ultime défi, dont les résultats
seront connus le samedi 25 mai, en toute fin de soirée.
Jean Lacroix
LA BELGE
SYLVIA HUANG SELECTIONNE POUR LES DEMI-FINALES
Les 24 violonistes retenus pour
les demi-finales ont été désignés. Parmi eux, notre candidate belge, Sylvia
Huang, dont la prestation du lundi 29 avril avait conquis le jury.
Afin de tenter l’accession à la
finale, Sylvia Huang se produira deux fois, lundi 6 mai dans la session de 20
heures et jeudi 9 mai, à partir de 15 heures, dans deux programmes, l’un
réservé au Concerto n° 1 de Mozart,
avec l’Orchestre de chambre de Wallonie, dirigé par Jean-Kacques Kantorow,
l’autre à la musique de chambre. Dans ce dernier contexte, Sylvia Huang jouera
l’œuvre imposée, un Scherzo-Bagatelle
de l’Anversois Bram Van Camp, des extraits de la Sonate pour violon seul op. 27 n° 1 d’Eugène Ysaÿe et la Sonate pour violon et piano de Janacek.
Un programme dans lequel elle devrait briller de mille feux ! Radio et
télévision permettront d’entendre et de voir tous les demi-finalistes. Nous
espérons retrouver Sylvia Huang dans les finales qui se dérouleront du 20 au 25
mai prochain.
Jean Lacroix
Au lendemain de la première éliminatoire du Concours Reine Elisabeth, avec Jean Lacroix nous avons interviewé la violoniste belge Sylvia Huang, seule candidate belge sélectionnée pour cette édition du concours international. Nous l'avons rencontrée chez Bénédicte van Caillie, sa "maman d'accueil" qui, depuis neuf ans donne chaque année l'hospitalité à un candidat. Elle nous dira, au terme de cet entretien, ce qu'implique cette démarche, une des originalités du Reine Elisabeth qui offre ainsi, à Bruxelles, pendant le mois de mai, un environnement serein, familial et stimulant aux candidats venus du monde entier.
L'intégralité de l'entretien est disponible à l'écoute sur le soundcloud de LIVRaisons.
L'intégralité de l'entretien est disponible à l'écoute sur le soundcloud de LIVRaisons.
Jean Jauniaux, le 1er mai 2019
Jean Lacroix, Bénédicte van Caillie et Sylvia Huang © Jean Jauniaux |
PORTRAIT DE LA
VIOLONISTE SYLVIA HUANG,
LA CANDIDATE
BELGE DU CONCOURS REINE ELISABETH 2019
La session 2019 du prestigieux
Concours Reine Elisabeth est réservée au violon. Après examen des candidatures,
71 artistes ont été retenus pour participer aux éliminatoires qui se déroulent
du 29 avril au 4 mai. En fin de compte, neuf concurrents ne se sont pas
présentés. Au nombre des 63 musiciens qui briguent un passage en demi-finales,
qui auront lieu du 6 au 11 mai dans l’espoir d’accéder aux finales du 20 au 25
mai, figure une seule Belge, Sylvia Huang, une artiste accomplie dont l’immense
talent nous permet de forger de grands espoirs.
Née le 20 avril 1994, Sylvia Huang passe son enfance à
Montigny-le-Tilleul, dans une famille de musiciens. Son père, Ching Huang, est
violoniste ; il est issu des Conservatoires de Pékin et de Saint-Louis,
aux Etats-Unis, et a été par le passé co-soliste du China Philharmonic
Orchestra. Sa mère, Myriam Bultinck, Premier Prix de violoncelle et de musique
de chambre au Conservatoire de Bruxelles, a obtenu un diplôme supérieur de
violoncelle et un Artist Certificate, au même Conservatoire américain de
Saint-Louis. Les parents de Sylvia ont fondé le duo Bacorde (« huit
cordes » en chinois) ; ils se produisent dans des écoles dans le cadre
d’un programme éducatif autour de la musique classique. Sylvia a une sœur
violoncelliste, de deux ans sa cadette, qui se perfectionne au Conservatoire de
Paris.
Dès l’âge de trois ans, Sylvia
fait ses débuts sur le violon. Avec beaucoup de lucidité, ses parents détectent
très vite les dons de leur fille, qui apprend le solfège à l’Académie de
Mont-sur-Marchienne. Ses progrès sont à ce point rapides qu’elle est prise en
charge dès 2003 à l’Académie de Bruxelles par Yaga Siwy, épouse d’André Siwy,
d’origine polonaise, qui a été élève d’André Gertler avant de devenir
Konzertmeister de l’Orchestre Symphonique de la RTBF, puis de l’Orchestre
National de Belgique. Sylvia brûle les étapes et accumule les distinctions. En
2004, elle participe au concours organisé pour les académies de la Ville de
Bruxelles par le Rotary Breughel et s’y classe deuxième. L’année suivante, elle
se lance dans l’aventure de Dexia Classics. Aux éliminatoires, elle obtient la
cote de 97 % et devient la première lauréate du concours devant 146 candidats,
tous instruments confondus. Elle est la lauréate la plus jeune (à moins de 11
ans) de toute l’histoire de ce concours dont nous allons reparler. Le 29 avril
2005, Sylvia joue avec orchestre, sur la scène du Théâtre Royal de la Monnaie,
le Concerto pour violon et orchestre n° 1
de Paganini !
Dexia Classics est un concours
célèbre pour jeunes musiciens. Lorsque Sylvia Huang le remporte, il est
patronné par la Banque du même nom. C’est le Crédit Communal de Belgique qui a
pris l’initiative dès 1965 d’instaurer un concours pour jeunes instrumentistes
issus des écoles musicales. Le Concours Pro Civitate est né ; au fil du
temps, il connaîtra d’autres appellations : Concours National de Musique
et des Arts de la Parole, puis Axion Classics avant de devenir Dexia Classics
au moment où Sylvia y est inscrite, lors de la quarantième session. Un palmarès
riche de 2 300 lauréats ! Parmi eux, de grands noms de notre musique
belge : Dominique Cornil, Véronique Bogaerts, Robert Groslot, Johan
Schmidt, Jan Michiels, Marcel Ponseele, Benoît Mernier, Viviane Spanoghe, Paul
Dombrecht, Eliane Reyes, Luc Brewaeys, les frères Kolacny et bien d’autres…
Pour célébrer son quarantième anniversaire, le Concours a
voulu commémorer cette aventure musicale et humaine par l’édition d’un livre,
dont nous avons assuré l’écriture (1). C’est dans ce contexte que nous avons eu
le privilège et le plaisir de pouvoir découvrir, rencontrer et suivre Sylvia
Huang à plusieurs reprises, y compris en famille, et notamment lors de sa
prestation avec orchestre du 29 avril 2005 : « […] comment cette petite fille si mignonne, si sage, va-t-elle pouvoir
affronter cet énorme concerto ? L’interrogation subsiste pendant la trop
longue introduction, le temps de se convaincre que Paganini peut vraiment
être‘pompier’ dans ses orchestrations. Le miracle va pourtant se produire. A
l’instant même où elle entame sa partie, Sylvia n’est plus une petite fille. Ce
n’est pas un phénomène, ni un enfant prodige : c’est un violon qui chante,
avec une sonorité établie, des nuances, un art déjà consommé. Epoustouflante
prestation, qui ne la verra pas faiblir. En particulier dans les cadences, où
elle montre que la maîtrise de l’archet n’a plus beaucoup de secrets pour elle.
Dès la fin du premier mouvement, le public explose en applaudissements longs et
nourris. […] Sylvia parcourt les deux
mouvements suivants avec un allant sans cesse renouvelé, en dépit de la
longueur de l’œuvre. Celle-ci achevée, une ovation interminable s’élève.
L’émotion est palpable dans la salle. Nous voyons des gens essuyer furtivement
des larmes. […]. »
Nous posions alors une question : « Sylvia Huang, un phénomène ? Non :
une musicienne née… ». L’avenir allait nous donner raison. En 2008,
notre violoniste remporte le Lions Europe Musical Competition. L’année
suivante, elle fait partie de l’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne. En
2012, à peine âgée de 18 ans, elle joue parmi les seconds violons de
l’Orchestre National de Belgique. Ce sera sa première confrontation avec le
Concours Reine Elisabeth : elle fait en effet partie de cette phalange
lorsque le pianiste Boris Giltburg devient Premier Prix en 2013. Les qualités
de Sylvia Huang sont telles qu’en 2014, elle est engagée dans les pupitres des
premiers violons de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam, un des
meilleurs du monde. Elle n’a que 19 ans ; pouvoir travailler avec un
ensemble de cette réputation à un âge si jeune relève de l’exploit.
Voilà donc cinq ans que Sylvia se produit sous la
direction des plus grands chefs et côtoie des solistes de notoriété mondiale.
Avec trois collègues (la Cubaine Miralys Morgan Vendecia, l’Italienne Martina
Forni et la Française Honorine Schaeffer), elle fonde la même année 2014 le
GoYa Quartet d’Amsterdam, qui se révèle très vite comme une formation de haut
niveau. Le répertoire de ces quatre artistes s’étend de Haydn à Schubert, en
passant par Brahms, Dvorak, Ravel, Debussy ou Bartok, mais aussi à des
contemporains : Pärt, Ciurlionis ou Vasks. On peut s’en faire une idée en
écoutant sur You Tube leur interprétation de partitions de Schumann ou de
Debussy. En mai 2016, un CD est produit
par le GoYa Quartet en partenariat avec le contrebassiste Simon Van Halen. Le
quatuor se produit en Hollande et en Belgique, puis dans les pays baltes et en
Italie. Sylvia Huang, qui joue sur un violon de Carlo Ferdinando Landolfi des
années 1750 à la superbe sonorité, se produit aussi en solo dans Ysaÿe, Bach ou
Paganini, ou en récital, avec la pianiste Ladarys Morgan - qui a suivi des
cours avec Hartmut Höll et Mitsuko Shirai -, dans des partitions de Beethoven,
Wieniawski ou Janacek. Elle continue à se perfectionner auprès de Liviu
Prunaru, Konzertmeister du Concertgebouw, qui fut Deuxième Prix du Concours
Reine Elisabeth en 1993 derrière la Japonaise Yayoi Toda.
Sa prestation lors des éliminatoires, lundi dernier 29
avril, a recueilli des commentaires élogieux, on a souligné ses qualités
techniques, la maîtrise de son jeu et sa sensibilité expressive. Au programme,
sonate de Bach, caprice de Paganini (le 17e qu’elle jouait déjà en
2005 au Concours Dexia Classics !) et mouvement de la Huitième Sonate pour
violon et piano de Beethoven. Résultats de cette première session : samedi
4 mai, en fin de soirée.
Jean
Lacroix
(1) Jean
Lacroix : De Pro Civitate à Dexia
Classics, quarante ans d’aventure musicale, Bruxelles, Dexia Banque, 2005,
197 p. Les extraits proviennent des pages 181 à 186.