Dans les archives d’espace-livres…
Nous commençons la publication sur LIVRaisons
et Soundcloud des articles, chroniques et interviews anciennement parus sur la
webradio d’Edmond Morrel , www.espace-livres.be
Notre choix pour la ré-édition de ces archives
se fondera sur différents critères, le premier et le plus important d’entre eux
étant l’intérêt que nous souhaitons attirer vers ces documents qui ont encore à
nous apprendre aujourd’hui sur ce qu’ils identifiaient, dénonçaient,
dévoilaient hier.
Nous commençons par un entretien enregistré en
novembre 2016 : Jacques De Decker interrogeait Benedetta Craveri à propos
de son livre « Les derniers libertins » .
Le dorénavant secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie royale de langue
et litérature françaises de Belgique, se prête aussi volontiers à la lecture
d’extraits.
Bien entendu, pour celles et ceux qui
n’auraient pas immédiatement le temps disponible à l’écoute (environ 3O
minutes), un article court permet de se faire une idée du livre et, à n’en pas
douter, de donner l’envie de trouver la demie-heure d’écoute.
Jean Jauniaux
Le 5 février 2020.
Vers le site de l'éditeur |
BENEDETTA LA DEVINERESSE
Si le dix-huitième français, dans ce qu’il a
de plus raffiné et civilisé ne nous avait pas été conté par Benedetta Craveri,
des pans entiers de cette époque fascinante auraient échappé à nos radars. Non
que les grands spécialistes de ce siècle n’existent pas, et que quelques
historiens belges de la littérature n’occupent pas les premiers rangs de cette
brillante compagnie, songeons en particulier à Roland Mortier et à Raymond
Trousson, mais Benedetta Craveri, au demeurant très admirée par ceux-ci,
pourrait bien être la tête de file de cette brillante cohorte, parce qu’elle
ajoute au savoir et à l’érudition la perspicacité de la spéléologue des âmes.
Elle nous a fait déjà fait la démonstration de
sa rare combinaison de talents dans des livres qui se sont installés dans la
mémoire et la gratitude des connaisseurs, songeons à « Madame du Deffand et son
monde » ou « L’âge de la conversation », mais voilà qu’elle nous offre un
ouvrage qui a à la fois les séductions de la lucidité, et d’un captivant talent
de conteuse . « Les derniers Libertins », qui a manqué de peu le prix Médicis
de l’Essai (il peut désormais échoir à un livre traduit) et l’aurait amplement
mérité à la place du règlement de compte dans le microcosme de la presse
parisienne qui l’a finalement remporté est, indiscutablement, un maître-livre .
C’est à la fois un sondage dans les usages
d’une classe sociologique condamnée, une galerie de portraits fascinants dans
le style de Madame Vigée le Brun, cette grande artiste qui jouit aujourd’hui
d’un regain de notoriété bien mérité, et une analyse de fin d’époque dont la
Révolution Française sonnera le glas sanglant. Tout cela vu par la lorgnette de
l’intelligence, de la proximité lucide, et d’une empathie sans œillères.
Amoureuse de la langue dans laquelle son livre
a été traduit par Dominique Vittoz, Benedetta Craveri l’est aussi de ses
locuteurs, ces figures masculines qu’elle aborde avec le don d’analyse qui la
caractérise, elle qui jusqu’à présent avait avant tout réservé son attention à
des destins de femme. Et l’on s’avise que pour bien cerner un homme, rien de
tel que l’attention devineresse d’une observatrice douée d’un don de double
vue…
Jacques De Decker, 21 Novembre 2016