Les instruments dont dispose le journaliste lorsqu'il mène son enquête sur des faits historiques ne suffisent parfois pas pour rendre compte de la complexité d'un événement, d'une époque, et, encore moins, des protagonistes qui y sont mêlés. Serge Quoidbach, rédacteur en chef adjoint d'un des quotidiens belges dont les articles font référence, L'Echo, en a fait le constat au moment de finaliser les recherches documentaires qu'il a consacrées à ce qu'il nous raconte aujourd'hui dans un roman intitulé L'affaire Ruspoli que publient les Editions Murmures des Soirs.
L'époque? L'occupation allemande de la Belgique, et plus particulièrement l'année 1943. Les acteurs? la princesse Elisabeth Ruspoli, diplomate auprès de l'Ambassade d'Italie à Bruxelles et Alexander von Falkenhausen, gouverneur militaire. Les lieux? Principalement le château de Seneffe, un bourg de Wallonie non loin de la capitale belge, château dans lequel le général allemand tient sa cour et fomente les tentatives de complot et d'assassinat du Führer.
Quoidbach romancier a décidé d'entrelacer dans un récit que le lecteur ne lâche pas avant la dernière page, les différents éléments qui lui permettront de rendre compte des informations rassemblées par Quoidbach journaliste, pendant des mois d'enquête, de lecture d'archives, d'entretiens avec les descendants de la Princesse Ruspoli. Pour mener son histoire, il se fait narrateur fictif et entre dans la peau d'un journaliste de seconde zone, qui est envoyé faute de mieux à Seneffe, de nos jours, pour assister et rendre compte d'une pièce de théâtre qui raconte différents épisodes de cette amitié singulière entre un général nazi et une princesse diplomate. Le journaliste narrateur, arpente les routes de campagne sinueuses de (son) passé et, au sortir de la représentation théâtrale va tenter de déchiffrer la réalité sombre et complexe de l'occupation. Personne ici n'est ni tout à fait blanc ni tout à fait noir. La complexité des êtres, leur immersion dans une actualité que nous observons aujourd'hui en sachant ce qui leur adviendra par la suite, - donc avec un regard faussé -, voilà ce dont l'historien et le journaliste peuvent faire état avec toute l'objectivité dont ils ont le souci.
Le romancier, lui, insère dans le récit la complexité des êtres, leur désarroi face à ce dont ils ne peuvent que maîtriser l'instant. Le romancier ne juge pas, il nous entraîne à sa suite dans la proximité intime des événements et des contradictions qu'elles suscitent nécessairement.
Serge Quoidbach a réussi de façon magistralement fluide l'association au fil du récit des trois sources qui nourrissent L'affaire Ruspoli: les péripéties survenant au narrateur journaliste, les fragments de la pièce de théâtre qui met en scène les personnages historiques et enfin, les extraits des comptes rendus d'interrogatoires auxquels après guerre ont été soumis ceux-ci.
Au terme de la lecture du roman, subsiste dans notre mémoire le fil d'événements que nous avions appris dans les livres d'histoire et qu'aujourd'hui, nous pouvons relire et nourrir de ce que seule permet la littérature: l'indéchiffrable enchevêtrement des êtres et du monde qui les entrave d'autant plus violemment en ces périodes où la violence entraîne courage et lâcheté, combat et résignation. Pour en connaître, la littérature est indispensable.
Le roman de Serge Quoidbach en fait une démonstration éclatante.
Jean Jauniaux, le 12 février 2020.
Nous avons rencontré Serge Quoidbach à propos de son roman dont il nous dit la genèse et l'écriture dans un entretien sonore que vous pouvez retrouver sur Soundcloud.
Sur le site de l'Editeur:
Ma mère tire une nouvelle bouffée de sa cigarette sans me quitter du regard.
— Ça fait des jours que tu as disparu et c’est tout ce que tu as à me raconter ?
— Je te l’ai dit, il y a ces nobles. Une princesse qui a fréquenté le château.
Je lui raconte mon histoire. La lettre de Ruspoli, les photos, Falkenhausen, la Gestapo... Ma mère n’a jamais été patiente mais là, elle m’écoute sans m’interrompre. Qui a dénoncé Joseph Barthélémy à la Gestapo ? Pourquoi la princesse Elisabeth Ruspoli, malgré ses fréquentations allemandes, n’a-t-elle rien fait pour le sauver ? Cette histoire hante le château de Seneffe, où le gouverneur militaire, Alexander von Falkenhausen, tenait sa cour. Et où certains hauts gradés, à l’abri des regards, ourdissaient leur projet d’assassiner le Führer.
Aujourd’hui, dans la petite ville de Seneffe, certains savent encore, mais sont prêts à tout pour enterrer définitivement la vérité.
Un roman basé sur des faits réels.