jeudi 12 mars 2020

Rencontre avec Simon Gronowski en marge du doctorat honoris causa qu'il partage avec Koenraad Tinel

Dans une lettre qu’il adresse à ses amis, Simon Gronowski souligne l’importance et la signification du doctorat honoris causa dont il recevra le titre avec son ami Koenrad Tinel. La mention qui orne ce titre prestigieux est la suivante : "leur improbable amitié est un puissant symbole d'espoir, de fraternité et de paix, un exemple pour les générations futures".
L’attribution de ce titre honorifique a suscité un débat : ce doctorat n’est-il pas une forme sournoise d’amnistie de la collaboration avec les nazis, dont le père et les deux frères de Koenraad Tinel étaient de sinistres exemples ? 
Nous avons rencontré Simon Gronowski. Il nous raconte les conditions de son évasion du convoi qui l’emmène vers le camp d’Auschwitz-Birkenau, convoi organisé à partir de la caserne Dossin où un de ses geôliers est le frère aîné de Koenraad Tinel. Il évoque aussi cette amitié si improbable et pourtant si fraternelle avec le fils et frère cadet de collaborateurs qui, pour le père de Koenrad en tous cas, n’ont jamais renié leur appartenance et leurs convictions nazies. Cette amitié est née en 2012 d’une rencontre entre les deux hommes, réunis devant un public de jeunes par l’Union progressiste des Juifs de Belgique (UPJB) à Gand. 
Selon Simon Gronowski « cette amitié est une contribution majeure à la lutte contre le fascisme, le racisme et l'antisémitisme dont j'ai été victime ». 
Selon les détracteurs de l’honneur qui lui est fait, il y a là affirmation du « ni victime, ni coupable », titre du livre co-écrit avec l’écrivain David Van Reybroeck (« Ni victime, ni coupable, enfin libérés », Editions Renaissance du livre) 
Cette distinction honorifique et les débats qu’elle engendre auront peut-être, indirectement, l’effet salutaire de confronter les idées et les polémiques et de contribuer ainsi à éloigner l’amnésie  concernant la Shoah, mais aussi vis à vis de toutes les atteintes à la liberté, la dignité, la tolérance, la fraternité dont, hélas, l’Histoire autant que l’actualité sont si continûment et abondamment pourvoyeuses. 
Par sa sincérité et sa générosité, le témoignage infatigable de Simon Gronowski ne peut être entaché d’aucune suspicion d’escamoter la réalité de l’Histoire. De son destin il a fait un irremplaçable instrument de transmission des valeurs humanistes qu’il s’agit sans cesse de marteler pour que l’écho des victimes jamais ne s’éteigne.

  
Jean Jauniaux, le 4 mars 2020

Henri Roanne-Rosenblatt et Simon Gronowski 

Cet entretien a été enregistré chez Henri Roanne-Rosenblatt, enfant caché à Bruxelles pendant l’Occupation, qui lui aussi témoigne inlassablement par des visites dans les écoles, mais aussi par le roman (« Le cinéma de Saul Birnbaum ») et bientôt le cinéma (« L’enfant caché » , un film réalisé par Nicolas Steil) , d’un autre aspect de la barbarie nazie, les « kinder transport » . Nous l’avions rencontré à différentes reprises pour des entretiens qui sont toujours accessibles sur les sites de LIVRaisons et espace-livres. Il a évoqué à notre micro les "Kinder transport", son roman "Le cinéma de Saul Birnbaum" et  le film "L'enfant caché" qu'il en a adapté avec le réalisateur Nicolas Steil - à qui l'on doit le long métrage "Le réfractaire" -  et le scénariste Michel Fessler. Le tournage débute en juin 2020. 



Communiqué annonçant le doctorat honoris causa attribué à Simon Gronowski et Koenraad Tinel:

(NB: Nous venons d'apprendre que la cérémonie a été annulée et reportée à une date ultérieure pour cause de coronavirus) 

L’Université libre de Bruxelles et la Vrije Universiteit Brussel décernent les titres de Docteur Honoris Causa à Koenraad Tinel et Simon Gronowki.  La cérémonie de remise de ces Doctorats Honoris Causa a lieu le mercredi 18 mars à 19h30 au Théâtre royal de La Monnaie à Bruxelles. 
Koenraad Tinel (1934) est sculpteur et dessinateur. Simon Gronowski (1931) est docteur en droit, avocat au barreau de Bruxelles et pianiste de jazz. Une profonde amitié s’est installée entre ces deux hommes. Une amitié qui paraissait improbable compte tenu de leur destin à l’opposé. Étant enfant Koen Tinel vit au sein d’une famille flamande qui sympathise avec les SS. Simon Gronowski quant à lui parvient pendant la guerre à l’âge de 11 ans à s’échapper du convoi qui l’emmène vers le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Cette remarquable amitié est un témoignage d’espoir, de joie et de paix. 
C’est avec beaucoup de fierté que l’ULB et la VUB saluent ces deux amis exceptionnels en tant que Docteurs Honoris Causa. Ils se réjouissent de vivre ensemble avec vous ce moment d’exception au Théâtre royal de La Monnaie.

Prof. Free De Backer et prof. Dimokritos Kavadias

Des proches de Koenraad Tinel et de Simon Gronowski