"Le Marquis de Wavrin, du manoir à la jungle"
Un film de Grace Winter et Luc Plantier
Musique de Hughes Maréchal
Production : Martine Barbé Imagecréation.com
On ne dira
jamais assez combien les travaux de restauration, de préservation et de
valorisation menés par la Cinémathèque Royale de Belgique (aujourd’hui appelée
CINEMATEK) représentent une mission essentielle non seulement en ce qui
concerne l’histoire du cinéma qu’il soit de fiction ou documentaire, mais en ce qui concerne les
histoires que le cinéma nous raconte et dont il témoigne. Pour ce qui est du
cinéma documentaire d'archives, il s’agit en premier lieu d’images de mondes révolus ou
appelés à le devenir, de modes de vie dont nos souvenirs altèrent l’exactitude.
Dans un deuxième temps, ce que ces images nous dévoilent c’est un « point
de vue » , celui de l’époque où elles ont été filmées. Il y a là une
narratologie qui nous éclaire sur la façon de voir, mais aussi sur les
préjugés de l'époque, l’état des connaissances, les intentions, la liberté des équipes qui
sillonnent les terres proches ou lointaines, les événements sociaux,
politiques, humains qui n’ont pas encore de place dans une Histoire, faute des lendemains que nous , aujourd'hui, connaissons. Enfin, à travers chacun des films qu'elle sauve, protège, restaure une cinémathèque nous dit aussi quelle importance une société attache à la mise à
disposition de son propre passé.
De puis
plus de trente ans la société de production belge Imagecréation.com se constitue un catalogue exceptionnel de
plus de 80 films dont la plupart sont basés sur des archives filmées. A
l’instar du « Marquis de Wavrin » dernier film en date produit sous la
houlette énergique de la fondatrice d’Imagecréation.com, Martine Barbé, une
ligne éditoriale s’est au fil des années précisée dans la manière de raconter à
partir d’archives filmées, des destins individuels dans le miroir desquels nous
découvrons les images du passé scénarisées et réalisées par des "raconteurs d'Histoire". Citons quelques films récents dont nous avons rendu compte déjà sur la webradio espace-livres : "Sur la piste de Yu Bin" et "Somville, un artiste parmi les hommes" Jean-Christophe YU), "Le Pavillon des douze" et "Le désordre alphabétique" ( Claude François), "Monsieur Etrimo" (David Deroy et Julien Bechara), "Une si longue histoire" (Roger Beeckmans)
"La Marquis de Wavrin" s'inscrit dans cette filiation éditoriale. La
réalisation conjointe de Grace Winter et Luc Plantier nous plonge pendant une heure trente dans le récit des explorations du Marquis de Wavrin en Amazonie. Fuyant
la justice belge en 1913 (après avoir tiré au fusil de chasse sur deux garçonnets qui venaient
chaparder des noisettes dans le parc de son château), la Marquis a consacré sa vie à explorer des territoires inconnus d’Amérique du Sud, voyageant seul,
s’immergeant dans des ethnies dont il parvenait chaque fois à apprivoiser la sympathie
(c’est sans doute une des énigmes de ce personnage : sa capacité à
s’intégrer aux populations qu’il visitait).
« Ce qui rend le Marquis si remarquable à mes
yeux est qu’à une époque où le colonialisme battait son plein, accompagné du
mépris envers les populations indigènes, il ait été animé par une curiosité,
souvent sans préjugés, envers des populations aux moeurs si éloignées de ce
qu’il connaissait en Occident, qu’il ait été choqué et révolté par le
traitement que les coloniaux infligeaient aux populations
locales, et qu’il se soit flatté de l’amitié qu’il avait pu établir avec les Indiens. » explique, dans un
interview accordé à Cinergie, Grace
Winter, scénariste et co-réalisatrice du film avec Luc Plantier (qui en assura
aussi le montage)
Le
Marquis de Wavrin appartient à cette tradition des grands explorateurs dont la
Belgique a été si prolifique. Il était aussi un vrai cinéaste, ramenant de ses
expéditions des films projetés avec succès dans les salles de cinéma et, signe
de l’intérêt qu’il éveillait, censurés par les commissions d’agréation.
Par
un scénario habilement construit, Grace Winter nous raconte les recherches
qu’elle a menées dans les trésors de la CINEMATEK, pour retrouver les films du
Marquis, y compris les fragments prélevés par la censure. Cette histoire-là,
celle d’une archiviste, exploratrice infatigable de centaines de milliers d’images,
parcourt le film en filigranes et, à n’en pas douter, pourrait tant ce métier est
enthousiasmant, éveiller des vocations !
Il
faudrait des pages et des pages pour dire davantage encore combien ce film est
important, par ce qu’il montre, raconte, dévoile et enseigne, combien sa
production s’inscrit dans une volonté éditoriale cohérente et indispensable,
combien enfin sa réalisation est d’une qualité irréprochable, alliant beauté,
émotion et empathie, soulignées par une musique (signée Hughes Maréchal) dont
on conserve , longtemps après la projection, la grâce et la justesse d’un
accompagnement idéal, qui n’illustre pas ce qui nous est montré (pas de musique
faussement ethnique ici), mais, comme le ferait un peintre, y ajoute de la
lumière.
Jean
Jauniaux, Festival du film de Gand, le 18 octobre 2017
Le film sera projeté en avant-première le lundi 23 octobre à BOZAR Il sortira à FLAGEY le mercredi 25 octobre.
Il figure dans la sélection officielle du Festival de Gand
Sur
le dossier de presse du film :
Synopsis :
Le
film nous invite à parcourir ce bien étrange chemin suivi par le Marquis de
Wavrin, premier homme blanc à filmer à la fin des années 20, les Indiens Shuar
« réducteurs de tête ». Plus de 6000 mètres d’images tournées entre 1920 et
1938 l’amènent à devenir un explorateur et ethnographe reconnu. Grâce à la sauvegarde
de ce patrimoine filmique à la Cinémathèque royale de Belgique, nous découvrons
le Marquis de Wavrin défenseur et ami des indiens du Haut-Amazone, cinéaste
dans l’âme
Le
Marquis :
Personne
ne le sait, les livres et articles sur l’anthropologie visuelle - une branche
devenue très importante de l’anthropologie sociale- l’ignorent, mais, c’est un
compatriote, le Marquis
Robert
de Wavrin, qui prend place parmi les précurseurs du cinéma ethnographique. Il
est
un
des tout premiers à avoir utilisé, à partir de 1919, la caméra 35mm comme un
blocnotes
pour
rendre compte des moeurs et coutumes des Indiens d’Amérique du Sud.
Ses
films montrent son évolution depuis les scènes filmées chez les Lengua, Mataco
et
Pareci
au début des années 20 jusqu’aux témoignages d’anthropologie participative,
quand
il
ira vivre de longs mois chez les Shuar, puis chez les Motilón.
A
l’apogée de sa notoriété dans les années 30, sa retraite forcée de la vie dans
la jungle après la Deuxième Guerre mondiale l’ont peu à peu mené vers l’oubli,
quasi-total aujourd’hui.
Le
fait aussi que son premier film ait été perdu – il a été reconstitué récemment
par
la
Cinémathèque – a renforcé cette ignorance de son rôle de précurseur, alors que
son
deuxième,
Au Pays du Scalp, datant de 1931, est quelquefois cité ici ou là, comme une
oeuvre
pionnière, mais à une époque où le cinéma ethnographique était déjà plus
présent.
UN DVD SERA
ÉDITÉ PAR LA CINÉMATHÈQUE
ROYALE DE
BELGIQUE ET SORTIRA LE 6 DECEMBRE 2017.