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Nous avons évoqué la collection des spectacles du Château
de Versailles lorsque nous avons été plongés en pleine « guerre des Te
Deum » de Blanchard et Colin de Blamont. Cette fois, le label nous fait
participer à une messe imaginaire du très chrétien Louis XIV (CVS008). Après
l’inauguration de la Chapelle Royale du Château en juin 1710, le Roi Soleil y
assista aux offices jusqu’à son décès cinq ans plus tard. La messe était un
acte matinal quotidien, d’une durée d’une trentaine de minutes, au cours duquel
un ou plusieurs motets étaient programmés. La notice du livret, dont nous nous
inspirons, explique que ces offices de la première heure étaient les plus grandioses, réunissant orchestre
chœur et solistes. Les dimanches, et à l’occasion des grandes fêtes, seuls
le plain-chant et l’orgue accompagnaient la messe.
Le présent CD propose un moment
hypothétique de musiques exécutées lors de ces divers types de cérémonies.
Plusieurs compositeurs ont été choisis à cet effet par l’ensemble Marguerite
Louise - du nom de la cantatrice qui se produisait à la tribune de la Chapelle
Royale et qui était la cousine germaine de François Couperin -, ensemble dirigé
par l’organiste Gaétan Jarry et formé de
spécialistes du domaine baroque qui collaborent régulièrement avec le Château
de Versailles et se produisent dans maints festivals. Le programme s’ouvre par
une sonnerie de la cloche de la Chapelle et une brève marche pour fibres et
tambours de François-André Danican Philidor, immédiatement suivie d’un plein
jeu pour orgue de Jean-Adam Guilain. Deux autres morceaux pour orgue, tirés de
la Messe des couvents de François
Couperin, seront intercalés après un psaume de Delalande et avant un psaume de
Lully qui clôture le disque, en alternance avec une autre pièce de Couperin, un
motet composé sur un texte du poète Pierre Portes, Venite Exultemus Domino, et avec l’Introibo de communion de la fête de Saint-Louis, dédicataire de la
Chapelle, célébrée le 25 août. Les plats de résistance sont donc dévolus à
Delalande et à Lully. Pour le premier, il s’agit d’un motet composé en 1704 et
remanié en 1720, sur le psaume XXIV, Exaltabo
te Domine, qui servait de cantique à la dédicace de la maison de David.
Dans le cas de Lully, c’est le grand motet Exaudiat
te Dominus, sur le psaume XIX, qui a été choisi.
On écoute cet enregistrement
comme si l’on assistait à l’office lui-même, tant le mélange entre les genres
est subtil et finement associé. La grandeur y est présente, comme la variété
des protagonistes instrumentaux ou vocaux, le climat de dévotion et de
recueillement liturgique viennent s’y ajouter, sollicité par des airs au cours
desquels les dialogues entre solistes, petit ou grand chœur virevoltent et se
parent tour à tour de ciselures ou d’effets. Tout cela baigne dans une
atmosphère grandiose qui correspond à l’image artistique que l’on peut se faire
des fastes religieux sous le Roi Soleil. L’apothéose finale du psaume de Lully,
apanage des timbales et des trompettes, forme presque une couronne musicale
pour saluer la sortie majestueuse du souverain.
Les interprètes de cet office
qui, tel quel, aurait sans doute enchanté Louis XIV, sont impeccables,
individuellement ou collectivement, et nous les saluerons dans un hommage
global, qui est aussi destiné à Gaétan Jarry, dont la direction précise et
incisive fait merveille, tout comme ses prestations à l’orgue. Un CD superbe, à
la fois festif et spirituel, qui nous entraîne au cœur même de la cour du Roi
Soleil. On notera aussi une jolie présentation, avec un abondant livret qui
fait la part belle aux biographies des compositeurs. L’enregistrement a été
réalisé en public à la Chapelle Royale de Versailles en juillet 2018.
Jean Lacroix