Le péché de nivellement dans la traduction littéraire
par Françoise Wuilmart
au Collège Belgique
Sous le parrainage académique de Jacques De Decker, le Collège Belgique accueille ce jeudi Françoise Wuilmart qui évoquera ce qui fait la spécialité et la passion de cette grande dame de nos lettres: la traduction littéraire. Françoise Wuilmart est, entre autres, créatrice et animatrice du Collège européen de traduction littéraire à seneffe, lauréate du Prix Aristeion de traduction littéraire, membre de PEN Belgique - le centre belge de PEN International, une institution internationale qui a placé parmi ses priorités la défense des droits linguistiques et de la traduction littéraire (voir à cet égard la "Déclaration de Québec" ) -, traductrice de Zweig ( voir à ce sujet la "Marge de Jacques De Decker" publiée sur espace-livres à l'occasion de la parution d'une intégrale Zweig dans la collection Bouquins) et de tant d'autres écrivains d'envergure universelle (dont le moindre n'est pas Ernst Bloch, dont elle a traduit les trois volume du "Principe espérance" chez Gallimard...) .
Dans le cadre de la classe "Société, lettres et arts" du collège Belgique, elle donnera une conférence dont le thème ne peut qu'intéresser celles et ceux qui de près ou de loin s'intéressent aux littératures du monde et à ce formidable chemin qui leur donne accès, la traduction littéraire. L'exigence constante que Françoise Wuilmart exige de ce travail, explique à n'en pas douter le titre qu'elle a choisi pour sa causerie : "Le péché de nivellement dans la traduction
littéraire"
Deux heures de passion et de compétence partagées, deux heures pour aborder dans une expertise placée au plus haut niveau, deux heures à partager avec Françoise Wuilmart qui est aussi une oratrice envoûtante.
Voici comment elle présente la structure de son exposé sur le site du Collège Belgique:
"Le traducteur littéraire est d’abord un
lecteur parmi d’autres, sa lecture est donc une « prise de sens » individuelle.
Ce qui le distingue du lecteur ordinaire, c’est qu’il devra recréer le texte
dans sa langue maternelle, et que dès lors sa lecture doit tenir compte de
certains éléments incontournables.
Parmi eux : la polysémie du texte original ;
en effet, la « réécriture » ne pourra
être réductrice, ce qu’elle risquerait d’être si le traducteur se limitait dans
sa recréation à une prise de sens individuelle.
Les autres dangers qui guettent le traducteur
littéraire peuvent se résumer sous l’étiquette de « nivellement » du texte original. Un texte
d’auteur (poétique surtout) est en effet d’abord une forme riche de relief. Or,
le traducteur soucieux d’écrire dans une langue correcte, voire académique,
court souvent le risque de « raboter » le texte littéraire.
Ce nivellement peut se produire à plusieurs
niveaux :
1. Au
niveau lexical et stylistique : l’auteur
s’exprime souvent dans une langue non pas normative, mais qui s’écarte au
contraire de la norme, étant donné sa dimension créative.
2. Au
niveau culturel : car traduire un texte
est aussi traduire une culture, c’est-à-dire une vision du monde qui se décante
dans la langue et surtout sa grammaire.
3. Au
niveau des idées : le bouleversement
parfois révolutionnaire exprimé dans un texte et donc dans le signifié, l’est
aussi par le signifiant, par la forme.
En conclusion : le traducteur littéraire ou
poétique échappera à la menace de la normalisation s’il cesse de se complaire
dans le carcan de sa langue, s’il la traite comme un organe vivant, renfermant
des « germes » susceptibles de se développer, comme un organe souple capable de
se laisser transformer sans se laisser casser ou détériorer, s’il la considère
comme une terre d’accueil désireuse de récolter d’autres visions du monde et
d’autres esthétiques."
C'est ce jeudi 28 mars , de 17 à 19 heures au Palais des Académies
Rue Ducale, 1 à 1000 Bruxelles