Les Quatuors de Haydn opus 71 par le Maxwell Quartet : éclat et virtuosité
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Le massif des nombreux quatuors de Haydn, à l’inspiration
élevée, est une inépuisable source de joies musicales. S’il fallait encore nous
en convaincre, le Quatuor écossais Maxwell, constitué depuis 2010, nous propose
trois d’entre eux parmi les plus significatifs, à savoir l’opus 71, qui date de
1793 et fait partie de la série communément appelée « Apponyi », en
raison de la dédicace des premières éditions. Le comte Anton Georg Apponyi
était un érudit et un lettré (il possédait une bibliothèque de plus de 50 000
volumes).
Mais c’est avant tout à un interprète que Haydn pensait en écrivant
ces merveilles, au violoniste Salomon qu’il admirait, et bien entendu il
songeait aux salles londoniennes. Haydn était arrivé dans la capitale anglaise
en 1791, ses quatuors précédents y avaient été acclamés, Salomon assurait le
rôle du premier violon. Lorsque Haydn quitta Londres en 1792 pour retourner à
Vienne, c’est dans cette dernière cité qu’il composa les six Quatuors op. 71 et
74, certains étant donnés en concert à partir de février 1794 sur les bords de
la Tamise, lorsqu’il y effectua un nouveau séjour. Ils furent édités l’année
suivante, au moment du départ définitif de Haydn pour Vienne.
Dans les trois présents quatuors, ce qui domine, c’est
l’élégance, la virtuosité et l’éclat de l’inspiration. Faut-il la qualifier de
« londonienne », comme certains commentateurs se sont plu à le
faire ? Haydn comptait déjà à son actif plusieurs dizaines de quatuors,
son métier était immense et sa force créatrice intacte. C’est une constante
chez ce compositeur de génie, cette capacité d’une écriture à la qualité
mélodique permanente, à la matière harmonique jamais prise en défaut, soutenue
par une inspiration sans cesse renouvelée. Le jeune Quatuor Maxwell a bien
compris l’enjeu qui se situe entre la sonorité « symphonique »
(rappelons leur destination : les salles londoniennes) et le discours
direct, à la fois ample et majestueux, mais traversé aussi par des accents
intimes, parfois même feutrés. Il existe de grands souvenirs et de grandes
références dans ce répertoire : le Quatuor Amadeus, le Quatuor Tatraï, le
Quatuor Prazak… Ici, avec les Maxwell, le bonheur de jouer ensemble est
palpable, la complicité est éloquente, l’élan est incessant. Nos amis écossais
(Colin Scobie, Georges Smith, Elliott Perks et Duncan Strachan) ont eu une idée
originale en enregistrant ce CD Linn (CKD 602) du 11 au 14 avril 2018. Entre
chacun des trois quatuors, on peut entendre une courte pièce purement
écossaise, de Simon Fraser (1773-1852), puis de James Scott Skinner
(1843-1927), la dernière étant un chant gaélique qui date de la fin du XVIe
siècle. Il s’agit d’arrangements par notre Quatuor. Cela pourrait paraître hors
sujet, voire saugrenu, mais cela crée au contraire un espace de respiration et
doit être considéré comme un souci de souligner l’universalité d’une musique,
celle de Haydn, qui parle au cœur, en part et y revient sans cesse. Un très
beau CD de musique de chambre, qui ravira les amateurs du genre. Le Quatuor
Maxwell nous doit maintenant ce qui est la suite logique de cet opus 71, à
savoir les trois quatuors de l’opus 74, qui, dans l’édition parisienne de 1796
que l’on doit à Pleyel, forment, avec ceux que nous admirons ici, un ensemble
de six.
Jean
Lacroix