Le label anglais Guild comporte
une section de gravures historiques où l’on retrouve des grands chefs
d’orchestre du passé comme André Cluytens, Arturo Toscanini, Léopold Stokowski,
Malcom Sargent, George Szell, Dimitri Mitropoulos… Une mine d’or pour les
collectionneurs ! Parmi les nouveautés proposées, figure un CD intitulé A Night at the Ballet, un ensemble de
pièces dirigées par Anatole Fistoulari (CHCD3502), dont la notoriété a été
considérable et qui a laissé une discographie des plus éloquentes.
Lien vers le cd |
Né à Kiev en 1907, fils d’un chef
d’orchestre qui avait été l’élève de Rimsky-Korsakov et d’Anton Rubinstein,
Fistoulari, enfant prodige, dirige dès l’âge de huit ans dans sa ville natale
la Symphonie Pathétique de
Tchaïkowski. Il fait sensation, car c’est de mémoire qu’il mène
l’orchestre ! On le retrouve avant ses quinze ans en Allemagne où il donne
des concerts. Bientôt, c’est Paris où Chaliapine l’engage comme chef
d’orchestre de l’Opéra russe. Il n’a que 25 ans. Il participe à l’aventure des
Ballets russes de Massine à Monte-Carlo. La suite de sa carrière se déroule en
Angleterre, où il devient en 1943 directeur musical de l’Orchestre
Philharmonique de Londres. Mais sa vocation est plutôt celle d’un chef invité.
Il excelle dans la musique de ballet, domaine dans lequel il enregistre pour la
firme Mercury des versions de référence de Giselle
d’Adam, de Sylvia de Delibes ou de La Belle au bois dormant de Tchaïkowski.
Pour Everest, ce sera le Gayaneh de
Katchaturian. Au début de la seconde guerre mondiale, il s’était engagé dans
l’armée française ; à la défaite, il se réfugia en Grande-Bretagne,
désormais sa terre d’accueil. Naturalisé britannique, il épouse en 1943 la
fille de Gustav Mahler, Anna, dont il divorcera en 1956. On le retrouve à la
tête de maints orchestres, au Metropolitan de New-York, en Russie, sa terre
natale, avec le Philharmonique de Londres, à Paris avec l’Orchestre du
Conservatoire. Il signe un grand nombre d’enregistrements, notamment pour la
firme Decca. Il dirige de prestigieux solistes : Fischer, Ashkenazy (un
sensationnel Concerto pour piano n° 3
gravé après la victoire de ce virtuose au Concours Reine Elisabeth en 1956),
Curzon (dans un poétique Concerto de
Grieg), Kempff, Milstein ou Menuhin (il faut réécouter le Concerto pour violon n° 1 de Paganini et le Concerto n° 5 de Vieuxtemps pour saisir toute la finesse qui unit
chef et soliste). Il décède en 1995.
Anatole Fistoulari n’est plus qu’un
nom aujourd’hui ; cet oubli est injustifié, car son geste de direction
d’orchestre est toujours équilibré, clair et brillant à la fois. Le présent CD
Guild en témoigne en ce qui concerne la musique de ballet. Au programme, des
extraits fluides et raffinés du Lac des
Cygnes et de La Belle au bois dormant
de Tchaïkowski, le Pas de deux du
Don Quichotte de Minkus, la Danse des heures tirée de l’opéra La Gioconda de Ponchielli, dans un tempo
idéal, et la musique de ballet du Faust
de Gounod, dont Fistoulari allège la pâte sonore. On trouve encore une
savoureuse ouverture de l’opéra Mignon
d’Ambroise Thomas et une version transcendante de L’invitation à la danse de Weber dans l’orchestration de Berlioz.
Ce répertoire est partagé entre trois phalanges, deux londoniennes : le
Symphony Orchestra et le New Symphony Orchestra, et l’Orchestre du
Conservatoire de Paris, qui répondent avec délectation à la légèreté et au
dynamisme que leur insuffle Fistoulari. Les prises de son, très bien
reproduites, datent du début des années 1950, grande période au cours de
laquelle ce chef de talent fréquente régulièrement les studios. Un superbe
témoignage !
Jean Lacroix