mercredi 25 septembre 2019

Seul me captive ce qui m'échappe: André Willequet raconté par le cinéaste Yvon Lammens

Sous le beau titre "Seul me captive ce qui m'échappe", le cinéaste Yvon Lammens nous propose un portrait sensible, vrai et captivant de l'artiste André Willequet. Plusieurs écrits autobiographiques et théoriques du sculpteur explorent la naissance de l'inspiration de l'artiste, dès la petite enfance, son apprentissage ultérieur, la pratique de son art enfin dont il ne cesse d'interroger les méandres. Yvon Lammens met en lumière les différentes facettes de l'oeuvre Willequet. Il le fait à sa manière que l'on a déjà pu apprécier dans d'autres documentaires comme celui dédié à Philippe Roberts-Jones ou à Lionel Vinche par exemple. Dans ces deux cas, le cinéaste a pu longuement interviewer ceux dont il construisait ensuite le portrait, alternant séquences d'interviews, prises de vues de lieux et d'oeuvres,  et images d'archives. Dans le cas de Willequet, le cinéaste a débuté la réalisation de son film après la mort de son sujet. Dans cette entreprise mémorielle, Françoise Willequet, veuve de l'artiste, a mis à disposition du cinéaste des archives et des souvenirs précieux, éclairant d'une belle complicité le portrait kaléidoscopique du sculpteur.

Le film alterne des témoignages et des images recomposées illustrant le très beau texte de Willequet qui constitue l'essentiel de la bande sonore. Outre Françoise, Martine et Pierre Willequet, les enfants de l'artiste, évoquent avec cette tendresse irrévérencieuse que nous inspirent les souvenirs d'enfance, quelques moments éphémères qui nous en disent long sur l'artiste. Toujours à l'affût d'une forme, d'une ligne, d'une lumière, d'un angle de vue, l'artiste traverse la vie quotidienne dans une sorte de distraction constante d ace qui ne nourrit pas son art. Ainsi, les voyages en Bretagne ou en Italie valent-ils de belles frayeurs aux enfants qui observent leur père, au volant de la  2CV, observant tout ce qui les entoure...sauf la route.
Les témoignages d'amis de l'artiste sont aussi de précieux éclairages qu'Yvon Lammens recueille, image et son, et assemble ensuite dans ce qui devient, comme chacun de ses films, l'histoire d'une rencontre, qu'il partage avec le spectateur enchanté d'être ainsi placé dans la proximité complice de l'artiste et du cinéaste. 

Une fois le film achevé, le regard du spectateur sur l'oeuvre de Willequet s'est enrichie de cet engagement absolu de l'artiste dans son oeuvre dont témoigne avec tant de ferveur cet autre artiste qu'est le cinéaste.
On ne peut que regretter  l'absence de circuit de distribution ou de diffusion des films au format de ceux que réalise Yvon Lammens. Il faudrait aujourd'hui créer une chaîne spécifique , sur internet, pour ces oeuvres qui n'entrent pas dans les circuits habituels de distribution, mais qui trouveraient, sur la toile, tant d'opportunités d'être vus et appréciés. Gageons que ce film trouvera ce créneau et pourra y être mis à disposition du public, dans un catalogue qui inclura les autres productions de cinéastes comme celui à qui nous devons ce portrait d'artiste. Le film "Seul ce qui me captive m'échappe" sera projeté en avant-première dans le cadre d'un hommage à André Willequet à l'Académie royale de Belgique le 10 octobre 2019 à 17h30. 

Jean Jauniaux

Nous avions évoqué déjà le film que Lammens avait consacré à Lionel Vinche. Cette évocation est toujours accessible sur LIVRaisons.

Voici ce que nous écrivions alors à propos du travail d'Yvon Lammens:

Cinéaste multiple dans ses curiosités Yvon Lammens plante sa caméra et ses micros aussi bien, dans des sites miniers abandonnés au Congo que sous les lambris de l'Académie royale de langue et littérature française de Belgique, au Musée de l'Armée, dans les archives de la première Guerre Mondiale que dans les ateliers d'artistes.
Cinéaste de la patience, Lammens n'hésite jamais à consacrer plusieurs années à un même sujet si ce dernier l'exige.  L'important pour lui n'est pas l'actualité, mais l'avancée progressive dans la compréhension des thèmes qu'il aborde et dans la complicité avec les personnalités dont il filme le portrait sensible.   Cette démarche nous donne des oeuvres hors-norme, inspirées elles sont aussi instruites et documentées, fluides elles ne reculent pas devant les obstacles qu'elles entourent pour mieux les saisir, argumentées elles n'imposent pas un point de vue, mais nourrissent la curiosité, l'envie d'en savoir davantage.

       
Yvon Lammens                          © Jean Jauniaux
  On doit à Lammens une filmographie singulière par sa diversité et exemplaire par ses engagements. Il suffit d'aller visiter le site que lui consacre Cinergie pour s'en convaincre:l'Afrique, les SDF, la littérature, l'art contemporain, l'histoire sont autant de sources d'inspiration pour cet observateur engagé. Jean Jauniaux.