Avec les trésors musicaux dont il nous a gratifiés et qui
semblent tous dater d’hier, tant ils demeurent d’actualité dans la discographie
de la musique baroque et classique, on a du mal à se dire que le Concerto Köln
a été fondé en 1985 et que ses premiers enregistrements datent déjà d’une
trentaine d’années. A cette époque, l’ensemble, composé d’une bonne vingtaine
d’instrumentistes, cordes et vents, accompagnés d’un clavecin, fut engagé par
le label Capriccio pour lequel il signa une série d’enregistrements qui ont
marqué les mémoires. Il a reçu maintes récompenses et sert encore de référence
dans la plupart des cas. Cette maison d’édition a eu l’excellente initiative de
réunir dans un coffret de dix CD (C7305) quelques disques majeurs que l’on
redécouvre avec émerveillement, d’autant plus que la qualité sonore est au
rendez-vous. Ce groupe remarquable a été constitué par de jeunes musiciens issus
de plusieurs pays, qui jouent sur instruments anciens ; dès 1992, sous la
direction du violon solo Werner Ehrhardt, la création à Cologne d’un festival
de musique ancienne s’est attaché à mettre en évidence, à côté de Bach, Vivaldi
ou Mozart, des compositeurs moins connus de la fin du XVIIIe et du début du
XIXe siècle. Le Concerto Köln s’est fait remarquer par les qualités de sa mise
en place et un panache efficace sans effets ostentatoires, mais aussi par la
diversité d’un répertoire dans lequel il s’est engagé avec le sens du drame, la
souplesse, le charme ou l’élégance requis.
Lien vers le CD |
On salue donc avec un réel
plaisir (il faudrait dire avec bonheur) la sobre mise en coffret de quelques
trésors parus entre 1988 et 2003, avec un livret en deux langues (mais pas en
français, hélas) qui résume les notices des parutions initiales. On s’en
contentera, d’autant plus que ce bijou est vendu à prix doux et qu’il constitue
une référence « incontournable » pour la plupart des œuvres
sélectionnées. Des compositeurs comme Durante, Leo, Gossec, Martin, von
Dittersdorf, Davaux, Brunetti, Moreno, Pons, Nono, Arriaga ou Kraus, sans
oublier les fils de Bach, sont ainsi admirablement servis. Pergolèse,
Scarlatti, Vivaldi ou Mozart y figurent également. Pour ce dernier, choix du dixième
CD qui date de 2002, il s’agit des symphonies 29 et 35, du Concerto pour clarinette, avec le radieux Pierre-André Taillard en
soliste, et de la courte ouverture de Betulia
liberata. Une sorte de coup de chapeau final à un ensemble qui ne cesse de
plonger le mélomane dans l’exaltation à chaque instant.
Le coffret s’ouvre par un
délicieux CD Vivaldi de 1988 qui, après le RV 433 La Tempesta di Mare ou le RV 439 La Notte à l’incroyable jaillissement, va à la découverte de pages
d’habitude moins fréquentées à l’époque, comme le concerto « in due
cori » RV 585, le RV 579 Concerto
funèbre, ou le RV 552 dans lequel
évoluent trois violons « per eco in lontano ». On est sous
l’envoûtement, une emprise qui se renforce avec le deuxième CD de 1989 dédié à
quatre fils de Bach : Johann Christoph Friedrich, Carl Philipp Emanuel,
Wilhelm Friedemann et Johann Christian, qui rivalisent en harmonies variées et
audacieuses d’une confondante richesse mélodique. La musique napolitaine occupe
le troisième CD ; l’ambiance de 1993 est festive, avec des partitions de
Scarlatti et Leo, un superbe concerto pour violon de Pergolèse et des pièces de
Durante qui ouvrent la porte à un quatrième CD, consacré entièrement à ce
compositeur hyperdoué et d’une grande originalité.
Vient alors le cinquième CD, pour
lequel nous avouons un attrait particulier, au point de suggérer au lecteur de
le placer en premier lieu de son audition. Sous le titre La prise de la Bastille, il met en valeur quatre compositeurs, le volubile Carl
Ditters von Dittersdorf, l’inconnu Jean-Baptiste ‘Citoyen’ Davaux qui mêle des
airs patriotiques aisément reconnaissables à sa symphonie concertante, le
raffiné François Martin et François-Joseph Gossec, qui fut formé à Walcourt
avant de se produire à Anvers, Bruxelles et Liège. Gossec (1714-1829) était né
dans le comté du Hainaut, à Vergnies, localité aujourd’hui belge, mais qui
était alors française. Installé à Paris, Gossec allait devenir musicien
officiel sous la Révolution. Le neuvième CD (1989) lui est entièrement consacré;
on y trouve quatre somptueuses symphonies, dont « La Chasse » et
celle « à 17 parties », dont la grandeur n’est pas usurpée, dans une
version qui brille de mille feux. Ce sera sans doute un coup de cœur pour
beaucoup de mélomanes.
N’en jetons plus, la coupe est
pleine. Elle déborde même, avec des symphonies espagnoles (CD n° 6, 1993), dans
lesquelles on admire la vitalité et l’imagination des peu connus Pons ou Nono,
mais surtout l’inspiration de la symphonie d’Arriaga, mort à vingt ans. Trois
symphonies (il en a composé plus de trente-cinq) de l’Italien Gaetano Brunetti
qui fit carrière à la cour d’Espagne sont l’apanage du CD n° 7 de 1994. Quatre
symphonies du compositeur suédois d’origine allemande Joseph Martin Kraus,
exact contemporain de Mozart auquel il ne survécut qu’une année, figurent sur
le CD n° 8 ; le Concerto Köln y
montre à quel point Kraus était l’un des maîtres de son époque et combien sa
perte fut, elle aussi, incommensurable. La parution de ce disque eut un grand
retentissement au début des années 1990, il fut couronné d’un Diapason d’or.
Plusieurs disques de cette anthologie ont été récompensés de la même manière.
Ce n’est que logique : des trésors sont ainsi couronnés.
Ce coffret enthousiasmant, à
(s’)offrir séance tenante, procure un infini plaisir, non seulement par son
programme, des plus séduisants et des plus remarquables quant à ses choix, mais
aussi par la haute qualité des interprètes. Ce festival permanent de couleurs,
de sonorités jouissives et de beautés musicales dont on ne se lasse jamais est
un éblouissement !
Jean Lacroix