jeudi 25 avril 2019

La belle dramaturgie des messes de Jan Dismas Zelenka


La belle dramaturgie des messes de Jan Dismas Zelenka

Ce compositeur du temps de Bach doit être considéré à la place qu’il mérite, l’une des plus spirituellement inspirées.


Le lien vers le CD






Originaire de Lounovice en Bohême, Zelenka est un presque contemporain de Jean-Sébastien Bach (1679-1745). A Prague, il fut au service d’un comte avant de devenir en 1710 contrebassiste dans l’orchestre de la cour de Dresde, ce qui lui donna l’occasion de voyages au cours desquels il se perfectionna à Vienne ou à Venise. Il fera même un séjour prolongé dans la capitale autrichienne avant de rentrer à Dresde pour y être l’assistant du Kapellmeister Heinichen, qu’il ne pourra remplacer à ce poste après son décès, évincé par J.A. Hasse. Il obtiendra cependant le titre de Kirchen-compositeur dix ans avant sa disparition.
Ce musicien apprécié par Telemann et Jean-Sébastien Bach a été vraiment redécouvert il y a une trentaine d’années à travers plusieurs enregistrements de messes, cantates, motets et oratorios qui ont révélé une personnalité de premier plan. Nikolaus Harnoncourt et René Jacobs ont gravé certaines œuvres. Quant à Frieder Bernius, à la tête du Kammerchor und Barockorchester de Stuttgart, il a enregistré pour le label Carus une série de partitions religieuses qui montrent la qualité de l’inspiration de Zelenka et qui ont été couronnées par un Diapason d’or. Le plus récent CD (Carus 83.279) vient de recevoir la même distinction. Au programme, une substantielle Missa Sancti Josephi de 1732, écrite pour rendre hommage à la princesse Maria Josepha de Saxe. Un bien beau cadeau pour cette noble dame, car nous sommes en présence d’une composition fastueuse qui, dès le Kyrie initial, permet à l’auditeur de ressentir une sensation de lumineuse plénitude accordée généreusement par les cuivres, les vents et les bois. Suit alors un long Gloria tout aussi fastueux qui magnifie les possibilités des masses chorales et les interventions des solistes du chant, au sein desquels l’éblouissante trentenaire Julia Lezhneva, née sur l’île de Sakhaline, fait la démonstration de sa sensibilité, de son impeccable technique et de la beauté de sa voix. Les autres solistes ne sont pas en reste : l’alto canadien Daniel Taylor, le ténor allemand Tilman Lichdi et le baryton anglais Jonathan Sells tiennent leur partie avec chaleur. Cette partition magnifique se termine par un bref Agnus Dei suivi d’un aussi court Dona nobis pacem au cours desquels la ferveur religieuse s’ajoute à l’atmosphère générale de solennité. 
L’auditeur est gratifié d’un très beau moment de musique sacrée, que Frieder Bernius, né en 1947, mène avec enthousiasme, entraînant ses troupes vers un plein épanouissement. Les compléments de programme sont le noble psaume 113 In exitu Israel et 129 De profundis qui datent des années 1724-1725. Le psaume 129 a été écrit à la mémoire du père de Zelenka, il est empreint d’une touchante profondeur mélancolique et sombre. 
Voilà un superbe CD qui montre à quel point ce compositeur du temps de Bach doit être considéré à la place qu’il mérite, l’une des plus spirituellement inspirées.

Jean Lacroix