La
poésie comme lumière
"Au prochain arrêt je descends"
Daniel Simon
Éditions Les Carnets du Dessert de Lune
A lire la bibliographie de Daniel Simon dont
des extraits figurent en ouverture de son dernier recueil de textes poétiques, Au prochain arrêt je descends ,
on se dit qu’il y a là déjà le premier poème du recueil tant les titres
reflètent déjà la lumière qui va nous envelopper lorsque nous aurons achevé le
volume et que nous aurons aspiré les embruns de la dernière ligne, ce départ vers nulle part (…) au loin vers
les brisants. »
Nous l’avons lu d’une traite ce recueil de
textes dont plusieurs nous ont invité à les relire, à en extraire pour s’en
imprégner davantage encore , les paysages intérieurs qu’ils évoquent et
dont nous nous rendons compte, sidérés, qu’ils sont nôtres. Il y a, de page en
page renouvelé, ce mystérieux envoûtement qui nous donne à penser que , lisant,
nous écrivons avec le poète ce qu’il nous dit de lui, mais aussi de nous. Nous
nous devinons assis à côté du poète lorsqu’il observe le monde, mais surtout
les hommes, les femmes, les enfances qu’il évoque en nous les murmurant : Ecrire et les voici, deux phrases, un mot,
surgis du calme paysage de l’oubli. Un chagrin parfois, la cicatrice d’une
trahison, d’une honte, d’un amour si discret qu’il ne fut jamais nommé, des
bruits, des fugues, des bleuets au seuil des forêts.
C’est ainsi que s’achève le poème d’ouverture
du recueil, comme une invitation à déjà faire quelques pas au début du chemin
qui nous attend, fait de la musique des évocations qui, à chaque page, trouvent
leur rythme propre qui prend l’amble avec le nôtre, avec nos nuits ou la
mémoire que nous avons de certaines d’entre elles Des nuits de rêves, de cauchemar, de visions, d’éclats, de tumultes/ et
l’on se tend vers l’aube épuisés de quitter le ring des sommeils douloureux
(…)/, de l’enfance dont Daniel Fano dit si bien, en quatrième de
couverture, qu’elle n’est pas forcément la sienne. Toujours celle du
monde. On cherche des repères on trouve des repaires où réfugier, dans les
formulations qui nous sidèrent par leur complicité, les indignations et les
chagrins, les bonheurs effleurés et les tendresses enfuies, des images à la
fulgurance inaccessible, qu’elle soit de beauté ou de détresse, comme celle de cet homme effondré/la pluie avait lavé la
craie devant lui/une histoire liquide coulait/dans le caniveau (…). Nous
l’avons croisé cet homme effondré
tant de fois, au détour des rues de la ville et voici qu’enfin il nous est dit,
tel qu’il est et tel que nous voulions le voir et le serrer dans nos bras,
tandis que nous allions/en nous hâtant
vers la maison/le soir et le bruit des familles.
Nous feuilletons le livre en écrivant ces
quelques lignes qui voudraient tant donner l’envie de partager et de dire
l’émotion tellurique qui nous envahit. Ainsi nous n’étions pas seul devant le
spectacle du monde à nous demander comment en alléger les peines, ainsi nous
allions, sans le savoir, du même pas sur les chemins bouleversés de l’enfance,
ainsi nous traversions les mêmes obscures nuits accablées d’insomnie, ainsi
nous parcourions en sautillant sur des
sentiers secrets/au plus près des beautés des jardins, ainsi nous pleurions
ensemble de rage et de colère et d’impuissance en voyant les images de la barque (…) cousue de bras morts…
Nous avons coutume de déplorer l’absence
d’engagement de la pensée pour décrypter le naufrage du monde et des hommes.
Nous avions négligé la force du verbe poétique. Daniel Simon, dans le sillage
des plus grands de ses frères poètes – de Villon à Prévert – nous invité à
retrouver la fragile puissance de la poésie. Nous ne sommes plus seul sur le
champ de bataille à faire résonner les cris plutôt qu’à les escamoter.
Jean Jauniaux, le 30 mars 2019
Le site de l'éditeur : https://www.dessertdelune.be
Au prochain arrêt je descends
Daniel Simon
Editions Les Carnets du Dessert de Lune
ISBN 978-2-930607-51-1
92 pp
14€