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Né en 1686 à Naples, où il décède
en 1768, ce fils de libraire a écrit quatre dizaines d’opéras, des oratorios,
des messes et des motets, des concertos et de la musique instrumentale. Nanti
d’une solide réputation de professeur de chant, le pédagogue se partage entre
sa ville natale et la cité des Doges, où il finit par s’installer en 1726 avant
d’être engagé à Londres en 1733. Le parcours de cet infatigable voyageur le mènera
encore à Dresde et à Vienne.
Deux nouvelles publications sont
une occasion rêvée pour entrer plus avant dans l’univers de ce magicien de la
voix. Le label Glossa (GCD 923513) propose un album de deux CD consacré à douze
cantates sur des poèmes de Métastase, publiées à Londres en 1735, sous le titre
Nuovamente composte opre di musica vocale
(Cantates opus 1) et dédiées à l’héritier du trône, le prince de Galles,
qui aimait tâter du clavecin et du violoncelle. Porpora avait répondu deux ans
auparavant à l’invitation qui lui avait été lancée de créer en terre anglaise
une compagnie théâtrale qui pourrait concurrencer celle de Haendel. Ces pièces
vocales italiennes sur des thèmes arcadiens sont destinées par moitié à la voix
de soprano et à celle d’alto pour les six autres. Considérées comme un modèle
dans le contexte de la cantate de chambre italienne, elles connurent un succès
considérable dû à leur sensibilité mélodique, à l’impression générale de
fraîcheur naturelle et à la délicatesse joyeuse qui s’en dégage. Leur audition
est un vrai bonheur d’écoute, ce qui nous permet de nous étonner lorsque la
notice du livret nous conseille « de
ne pas essayer d’écouter l’enregistrement entier d’une seule
« gorgée ». Une approche lente serait préférable, […] ».
Nous avons fait l’expérience à trois reprises : le charme, le raffinement,
la finesse sont à ce point présents que l’intérêt ne faiblit pas. Il faut dire
que les interprètes n’y sont pas pour rien. Deux sopranos (Francesca Cassinari
et Emanuela Galli) et deux altos (Giuseppina Bridelli et Marina De Liso) se
partagent les cantates ; l’ensemble Stile Galante dirigé par Stefano
Aresi, avec le violoncelle d’Agnieszka
Oszanca ou le clavecin d’Andrea Friggi en tant que basses continues, se
révèle être une équipe soudée et heureuse de se produire. On peut s’en
persuader par le biais de quelques photographies en couleurs qui montrent les
interprètes en été dans un cadre champêtre. L’enregistrement a eu lieu à
Roccabianca, dans la région de Parme, en Emilie-Romagne, en octobre 2016 et
août 2017. Nous partageons pleinement le plaisir distillé par ces images.
Stefano Aresi précise dans la notice que quelques ornements vocaux auxquels
avaient recours les chanteurs contemporains de Porpora, mais que l’on néglige
aujourd’hui, ont été introduits. Ils n’en donnent que plus de saveur à ces
bijoux esthétiques.
Lien vers le cd |
Nous retrouvons la cantatrice Giuseppina Bridelli dans un
étincelant CD Arcana (A461) intitulé « Duel » qui montre en
couverture une escrimeuse en action. C’est quelque peu trompeur, car il ne faut
pas s’attendre à un combat qui aurait abouti sur le pré entre Porpora et
Haendel, dont la rivalité artistique est ici le seul sujet. Au contraire, les
deux compositeurs éprouvaient de l’admiration l’un pour l’autre. Mais une « guerre
des goûts » eut lieu entre chanteurs, modèles esthétiques et mécènes des
milieux aisés lorsque Porpora s’est installé à Londres, où la troupe de Haendel
occupait alors le haut du pavé. Les deux musiciens se trouvèrent ensemble en
terre anglaise de 1733 à 1737. Passons sur les détails
politico-socio-économiques qui ont conduit Porpora à être sollicité par ceux
qui estimaient que les partitions du continent étaient plus en phase avec la
modernité de l’époque que celles de Haendel. En tout cas, Porpora débarqua avec
armes et bagages à la tête de l’Opera of Nobility, emmenant avec lui Farinelli,
entre autres vedettes. Il y eut quand même des disputes allant jusqu’à des
combats à mort entre spectateurs et des cabales pendant ces années de vie
parallèle, mais ce que visaient les compositeurs, c’était d’abord de faire
jouer leurs œuvres. La très intéressante notice, à lire avant audition, précise
bien que « ce conflit ne se joua pas
entre eux deux, mais entre eux et le public ». Porpora finira par
rejoindre le continent après la faillite de sa compagnie.
La gravure Arcana, enregistrée en
juin 2018 à Lyon au Temple Lanterne, illustre cette rivalité avec un programme
très extraverti, dans lequel Le Concert de l’Hostel Dieu dirigé par
Franck-Emmanuel Comte brille de mille feux. C’est un festival d’airs en
alternance ou de moments orchestraux tirés des opéras Alcina, Ariodante, Tolomeo ou Catone in Utica de Haendel face à des œuvres lyriques de
Porpora : Arianna in Naxo, David e Bersabea, Polifemo, Calcante e Achille
ou Mitridate. Guiseppina Bridelli,
qui a été récompensée à plusieurs reprises dans des concours internationaux,
nous fascine par la virtuosité d’une voix qui se joue des difficultés avec une
aisance de tous les instants. Son agilité technique nous entraîne dans un monde
de sensations colorées et d’émotions sensibles qui sont en parfaite corrélation
avec le but poursuivi par les deux compositeurs rivaux : l’intensité des
séquences et l’impact sur le public. Tous les amateurs de merveilles sonores
seront séduits.
Jean
Lacroix