Inépuisables richesses de la musique de chambre de Schubert
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Deux productions récentes concentrées sur des partitions
parmi les plus riches de la musique de chambre viennent nous rappeler que des
interprétations nouvelles sont toujours les bienvenues, même si elles viennent
s’inscrire dans une discographie qui recèle maints trésors et des références
dites « incontournables ».
Le label Alpha (461) propose l’Octuor en fa majeur D. 803, chef-d’œuvre
s’il en est, qui révèle avec intensité l’invention mélodique et la richesse de
l’harmonie du compositeur. Ecrit au début de l’année 1824, il est le résultat
d’une commande pour les soirées organisées à domicile par le comte Ferdinand
Troyer, intendant de l’archiduc Rodolphe, qui figurait parmi les exécutants. La
commande en question, comme le raconte Brigitte Massin dans sa biographie de
Schubert (Paris, Fayard, 1977, p. 1051) : « […] devait être très précise : réaliser une œuvre dans l’esprit du
populaire Septuor de Beethoven ». En six mouvements, comme le modèle
suggéré. La partition, ainsi que les deux autres qui compléteront notre
critique, est trop connue pour se perdre dans le dédale d’explications
complémentaires. Le présent enregistrement a été confié à l’ensemble Anima
Eterna Brugge et réalisé en octobre 2018. Disons-le d’emblée : il est du
genre à provoquer des avis en sens divers. La meilleure preuve est l’opinion de
la revue Classica du mois de mai de
cette année (n° 212, p. 104) qui émet des réserves sous la plume du
chroniqueur, Tristan Labouret. Celui-ci se déclare convaincu par les mouvements
vifs, mais considère que « la ligne
mélodique manque régulièrement de relief, notamment dans les mouvements
lents ». Réserves que nous ne partageons pas, car l’audition répétée
nous a confirmé que « l’absence de souffle » reprochée par le même
commentateur ne nous apparaît pas, et qu’au contraire, l’approche des huit
instrumentistes révèle partout un enthousiasme communicatif, un allant sans
chute de tension, une vision chambriste complice au plus haut point, une
cohésion dans la plasticité des lignes ainsi qu’un sens poétique développé. Ce
n’est sans doute qu’une question de détails dans la conception que chaque
auditeur pourra appréhender, mais il est certain que la « sécheresse très
beethovenienne » que souligne par ailleurs comme « bienvenue »
le même critique, est efficace et s’inscrit dans un esprit viennois qui
accentue la subtilité des nuances.
Notre conclusion est donc très
positive, d’autant plus que le couplage est original et judicieux. Le Septuor de Berwald, donné à Stockholm en
1828, est peut-être « la version
révisée d’un autre septuor du même auteur déjà joué en public en 1818 et 1819,
et maintenant perdu », précise la notice du livret. Peu importe. Ce
complément est idéal car non seulement, il rappelle la structure de l’opus du
maître de Bonn, achevé en 1800, mais il est surtout un bonheur d’écoute.
Plaisir, souplesse, invention mélodique, lyrisme fin et humour primesautier
sont l’apanage d’une partition dont le projet esthétique est manifeste et qui
fait la démonstration que Berwald est bien le futur symphoniste de qualité
qu’il sera dans les années 1840. L’interprétation est brillante et donne à
découvrir cette page peu connue dans des conditions optimales. Revenons une
dernière fois à l’Octuor schubertien,
pour évoquer sa discographie. Par le passé, l’Academy of St Martin in the
Fields et surtout l’Ensemble de la Philharmonie de Vienne dans une gravure
mythique des années 1950 ont fixé des standards de référence ; l’Anima
Eterna Brugge n’a pas à rougir devant eux. C’est dire tout l’intérêt du présent
CD, que nous conseillons sans hésiter.
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Les conclusions s’imposent
d’elles-mêmes : les deux productions nous séduisent par leur tenue et leur
hauteur de vue. Si un choix (douloureux) devait être fait, nous conseillerions
comme premier achat l’album Audite, mais comment résister à l’ambiance du CD
Alpha ?
Jean Lacroix