La discographie de l’Allemand
Lars Vogt, qui fêtera l’an prochain son demi-siècle, est riche
d’enregistrements consacrés à Bach, Beethoven, Brahms, Schumann, Grieg,
Tchaïkowski ou Rachmaninov, mais aussi à Mozart. Ce soliste, qui est aussi un
chambriste de qualité, s’est déjà penché au disque sur des sonates et des
concertos de ce dernier. Dans un nouveau CD Ondine (ODE 1318-2), quatre sonates
nous sont encore proposées. En deux séances d’enregistrement à
Cologne : en mai 2016 pour les sonates n° 2 et 3 K 280 et 281, en janvier
2019 pour les sonates n° 8 et 13 K 310 et 333.
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Les Sonates n° 2 et 3 datent de
l’automne 1774. Elles ont été publiées dans une série de six. C’est à cette
époque que Mozart abandonne le genre de la sonate pour clavecin avec violon
accompagné. La n° 2 K 280 contient une particularité : parmi l’ensemble
des sonates pour piano composées par Mozart, c’est la seule dont le mouvement
lent, l’Adagio, est écrit sur le mode
mineur. C’est une partition dans laquelle voisinent les thèmes légers et les
épisodes nostalgiques. Quant à la n° 3 K 281, elle relève plutôt de la
fantaisie, avec des variantes nombreuses dans le rythme ; son Rondo final virevolte allègrement avant
que ne s’y insère une dramatisation. Nous sommes en présence d’œuvres d’un
jeune homme de dix-huit ans dont la maturité fascine et subjugue.
La Sonate n° 8 K 310 fait partie
d’une deuxième série de sept sonates qui datent des années 1777-1778 ;
elle a été publiée à Paris, au cours d’un voyage. La palette sonore de Mozart
s’est enrichie, de nouveaux effets s’y ajoutent, car le moment est dramatique
pour lui : sa mère Anna Maria est décédée. La page comporte un côté sombre
et douloureux. Cette fois, c’est le Final
qui est écrit en mode mineur ; le musicien y exprime toute l’intensité de
son émotion. Il faudra attendre 1784 pour que la Sonate n° 13 K 333 soit
publiée à Vienne, même si elle a sans doute été terminée elle aussi en 1778, en
octobre. A Paris, Mozart a retrouvé son ami Jean-Chrétien Bach, ce qui le
comble de joie. La partition peut être considérée en partie comme un hommage à
ce dernier, elle est parfois très proche du même esprit mélodique que celui du
fils du Cantor dans l’Allegro
initial, mais elle s’en éloigne ensuite, car les idées thématiques de Mozart
sont plus larges, plus développées aussi. L’équilibre et la vigueur qui en
découlent ne sont pas sans évoquer la liberté que l’on découvre dans les
concertos.
Face à ces magnifiques pièces,
Lars Vogt joue la carte de la transparence, de la pureté, de la limpidité, de
l’investissement émotionnel lorsque celui-ci est de mise, mais aussi celle de
la fine virtuosité maîtrisée avec un sens des nuances et des couleurs délicates
ou sombres selon la nécessité de l’inspiration. Le livret contient une
conversation du pianiste, qui n’est accessible qu’en anglais et en allemand.
Intitulée « Dans la lumière, il y a toujours aussi des ténèbres »,
elle définit en quelques mots bien choisis un beau programme et une vision
pleine de goût et de clarté.
Jean Lacroix