dimanche 9 juin 2019

Sonates pour piano de Mozart par Lars Vogt : une leçon de clarté

La discographie de l’Allemand Lars Vogt, qui fêtera l’an prochain son demi-siècle, est riche d’enregistrements consacrés à Bach, Beethoven, Brahms, Schumann, Grieg, Tchaïkowski ou Rachmaninov, mais aussi à Mozart. Ce soliste, qui est aussi un chambriste de qualité, s’est déjà penché au disque sur des sonates et des concertos de ce dernier. Dans un nouveau CD Ondine (ODE 1318-2), quatre sonates nous sont encore proposées. En deux séances d’enregistrement à Cologne : en mai 2016 pour les sonates n° 2 et 3 K 280 et 281, en janvier 2019 pour les sonates n° 8 et 13 K 310 et 333.
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Les Sonates n° 2 et 3 datent de l’automne 1774. Elles ont été publiées dans une série de six. C’est à cette époque que Mozart abandonne le genre de la sonate pour clavecin avec violon accompagné. La n° 2 K 280 contient une particularité : parmi l’ensemble des sonates pour piano composées par Mozart, c’est la seule dont le mouvement lent, l’Adagio, est écrit sur le mode mineur. C’est une partition dans laquelle voisinent les thèmes légers et les épisodes nostalgiques. Quant à la n° 3 K 281, elle relève plutôt de la fantaisie, avec des variantes nombreuses dans le rythme ; son Rondo final virevolte allègrement avant que ne s’y insère une dramatisation. Nous sommes en présence d’œuvres d’un jeune homme de dix-huit ans dont la maturité fascine et subjugue.
La Sonate n° 8 K 310 fait partie d’une deuxième série de sept sonates qui datent des années 1777-1778 ; elle a été publiée à Paris, au cours d’un voyage. La palette sonore de Mozart s’est enrichie, de nouveaux effets s’y ajoutent, car le moment est dramatique pour lui : sa mère Anna Maria est décédée. La page comporte un côté sombre et douloureux. Cette fois, c’est le Final qui est écrit en mode mineur ; le musicien y exprime toute l’intensité de son émotion. Il faudra attendre 1784 pour que la Sonate n° 13 K 333 soit publiée à Vienne, même si elle a sans doute été terminée elle aussi en 1778, en octobre. A Paris, Mozart a retrouvé son ami Jean-Chrétien Bach, ce qui le comble de joie. La partition peut être considérée en partie comme un hommage à ce dernier, elle est parfois très proche du même esprit mélodique que celui du fils du Cantor dans l’Allegro initial, mais elle s’en éloigne ensuite, car les idées thématiques de Mozart sont plus larges, plus développées aussi. L’équilibre et la vigueur qui en découlent ne sont pas sans évoquer la liberté que l’on découvre dans les concertos.
Face à ces magnifiques pièces, Lars Vogt joue la carte de la transparence, de la pureté, de la limpidité, de l’investissement émotionnel lorsque celui-ci est de mise, mais aussi celle de la fine virtuosité maîtrisée avec un sens des nuances et des couleurs délicates ou sombres selon la nécessité de l’inspiration. Le livret contient une conversation du pianiste, qui n’est accessible qu’en anglais et en allemand. Intitulée « Dans la lumière, il y a toujours aussi des ténèbres », elle définit en quelques mots bien choisis un beau programme et une vision pleine de goût et de clarté.  

Jean Lacroix