jeudi 10 octobre 2019

"Elle et elle" de Sylvie Godefroid

Paru aux Editions Lamiroy, le dernier livre de Sylvie Godefroid, un recueil de poèmes, s'ouvre sur un prélude de Francis Lalanne, dont on ressent combien il a été touché par la poésie sensible et à fleur de coeur de celle qui est aussi romancière et auteur dramatique. Nous l'avions rencontrée à la parution de ses deux romans et avions été déjà saisi par cette manière de sincérité profonde et spontanée qui est le matériau où Sylvie Godefroid puise l'inspiration musicale de son oeuvre. 

Les épreuves, les douleurs, les angoisses, les souffrances n'ont pas épargné l'auteure de L’anagramme des sens et de La balade des pavés un roman à propos duquel nous écrivions alors:

 « Sylvie Godefroid nous suggère peut-être une réponse à cette énigme de la littérature. Auteure de deux romans et d’un nombre incalculable de textes poétiques qu’elle dépose quotidiennement sur sa page Facebook, elle semble trouver avec sa "balade des pavés" une voix littéraire où convergent salutairement ses deux sources d’inspiration : la sensibilité extrême aux choses de la vie et la nécessité de partager. En poésie, elle fait ses gammes. Au quotidien de sa poésie elle traduit dans la musique des mots l’émotion du moment, l’avidité d’un bonheur, la gourmandise de vivre, la beauté simple des moments de grâce. Le roman est travail de plus longue haleine. Sylvie Godefroid plonge la plume dans l’encre des épreuves traversées, dans l’encre du coeur battant toujours le rythme de ceux qui vivent pleinement, dans l’encre - lumière qu’est l’humour, la joie, l’enthousiasme jamais démenti. Mais l’écrivain aborde la gravité avec les mots. La gravité est dans ce qu’elle vit, qu’elle choisit de partager avec nous. Il ne s’agit pas ici de ces auto-fictions complaisantes dont d’autres font leur miel amer. Il s’agit avec Sylvie Godefroid d’alchimie : une des fonctions de la littérature ? »

A lire ce dernier recueil, « Elle et Elle »  paru aux Editions Lamiroy on voit que l’exploration de l’énigme de soi ne cesse de se développer, de s’enrichir, de se nourrir de la poésie. Il y a à chacune des pages paires, imprimées en italiques, comme si la typographie devait adoucir les angles, l’évocation des grandes douleurs : celles de l’enfance, du cancer, de la quête éperdue d’amour, de la détestation et en regard, les pages impaires se déploeint comme des chants de combat et de révolte contre la maladie et la page blanche, la solitude et l’abandon. J’ai commencé à vivre/Le jour où j’ai cessé d’avoir peur/De l’encre et de mes ratures s’exclame celle qui ne cesse aujourd’hui d’écrire, poésie, roman, théâtre. On sent aujourd’hui cette jubilation apaisée de celle qui est sortie victorieuse des champs de bataille, mais qui maintient la vigilance aux aguets de nouveaux assauts. On sait alors, à la lire, combien la page blanche est lumière et salut !

On aime à lire cet aveu,  qui clôture le livre, qui est baume au cœur et nous ravit :

Je cultive le délicat bonheur
De la mélancolie
De la tristesse apprivoisée
Comme une feuille d’automne
Sur les pavés de la vie
Est-il paradoxal
De rayonner en vous disant
A quel point je suis heureuse
Maintenant ? 

Il faut suivre, au delà des livres, les destins de cette artiste qui nous retient dans cet enchantement étonné dont elle a l’art du partage.

Jean Jauniaux, le 10 octobre 2019