Après Papas
et Le géranium de Monsieur
Jean , les Editions Zellige accueillent dans leur catalogue « Vents
du Nord », le dernier roman de Michel Torrekens, L’hirondelle des anges .
L’histoire que le livre nous raconte
(synthétisée ci-dessous) est, - il s’agit d’une œuvre littéraire - prétexte à une exploration de la nature
humaine incarnée à la fois dans les personnages, dans la personnalité de
l’auteur et dans ses choix stylistiques. Torrekens est un humaniste. Il use de
son empathie naturelle pour aller à la rencontre de l’autre, à la recherche de
la vérité des êtres qu’il met en scène et à l’impossibilité d’ isoler cette
inaccessible vérité. Il réussit avec sensibilité le déploiement de la
complexité des êtres et des circonstances.
Torrekens est un écrivain de tendresse. Il
plonge la plume dans l’encrier du cœur pour ouvrir, à la manière d’un
aquarelliste, une palette de coloriste apprivoisant autant les nuances de la lumière que les lignes des paysages. Il déploie ainsi l’éventail de son récit, dans un mouvement ample et lent que scandent les trois
parties dans lesquelles il s’inscrit : les temps finis, suspendus et infinis. Au
fil de ces temps, le lecteur accompagne Pauline dans la quête d’une mère
disparue qui est aussi une quête de soi. Nous ne dévoilerons pas ce qui lui est
advenu, ni l’issue de cette quête à
laquelle nous convient les dernières pages du livre, clé de voûte bouleversante
de la lecture, aboutissement d’un chemin escarpé semblable à ceux des Andes. Il faut se laisser guider par le romancier, à son rythme, empruntant aussi bien les routes de traverse, que les grandes trajectoires narratives.
Dans Le
rouge et le noir Stendhal proposait une définition du roman :
« c’est comme un miroir que l’on promène le long du chemin… » . Le
livre de Torrekens s’aligne avec grâce dans la métaphore, qu’il démultiplie ici.
L’hirondelle des anges , miroir
certes, mais à multiples facettes, reflète aussi bien le « chemin »
que l’image de la protagoniste centrale du roman, et celle des espaces et des
êtres qu’elle sera amenée à rencontrer. Elle sera plongée dans un univers
inconnu jusque là pour elle, qui est aussi bien ce Pérou millénaire dans lequel
elle va s’immerger, que la personnalité et l’histoire de sa mère. Mais, et
c’est là sans doute l’interrogation ultime du roman, il s’agit d’une recherche
obstinée et irréversible de la
réconciliation. Le fait que celle-ci soit irréalisable n’enlève rien à la
nécessité de la poursuivre sans cesse, en tous lieux et tous temps.
Réconciliation avec soi, avec les êtres les plus proches, mais aussi, au-delà
de l’espace et du temps romanesques, avec l’humanité dont chaque livre,
lorsqu’il est de qualité comme celui-ci, est le reflet aussi indispensable
qu’inquiet.
Dans un style proche de la « ligne
claire » , Torrekens va au plus près des êtres. C’est ce qui fait de lui
un romancier auquel on ne peut pas ne pas s’attacher, au fil des livres, romans
et nouvelles, et des personnages qu’il
nous invite à approcher, comme il le fait lui-même, à cœur ouvert.
Jean Jauniaux, le 10 octobre 2019
Dans une prochaine « Livraison » ,
nous entendrons Michel Torrekens répondre à notre curiosité à propos de son
roman, mais aussi de la maison d’édition qui l’accueille dans une collection
« à double vocation : accueillir des textes inédits d’auteurs belges
contemporains et ré-éditer des classiques de la littérature belge aujourd’hui
introuvables ».
Nous l'avions interviewé à la sortie de son premier roman, chez le même éditeur: Le géranium de Monsieur Jean. Cet interview est toujours accessible sur le site de espace-livres en cliquant sur ce lien vers un article intitulé "Le coeur sensible" ...
Ce que nous raconte l'Hirondelle des Andes...
À la suite du décès de son père, «Monsieur
Jean», Pauline prend une décision radicale : tourner le dos à une carrière
enviable et partir au Pérou où sa mère a disparu dans des circonstances
troubles lors d’une mission humanitaire.
Elle atterrit à Lima et découvre la violence
due à l’immense pauvreté́ des bidonvilles de la capitale. Comme sa mère avant
elle, elle rencontre des femmes qui ont décidé́ de se battre pour sortir de
cette misère. À leur contact, ses repères et valeurs changent peu à peu. Elle
vibre également à sa vie de femme épanouie avec un archéologue qui l’initie à
la vieille culture Mochica.
Elle n’en oublie pas pour autant sa quête
familiale et part sur les traces de sa mère, avec comme guide Lucia, jeune
Péruvienne pleine de vivacité́. D’abord à Cerro de Pasco, la plus haute ville
minière au monde, puis à Cuzco, l’ancienne capitale Inca. Sur sa route,
Pauline croise de nombreux personnages hauts en couleur et assemble pas à pas
les pièces d’un puzzle incomplet. Ce qu’elle découvrira ne correspondra à
aucun des scenarios qu’elle avait imagines.
Peu avant que son père ne s'éteigne, Pauline
lui promet d'aller au Pérou sur les traces de sa mère, disparue lors d'une
mission humanitaire. Est-elle morte ? A-t-elle été enlevée par les guérilleros
du Sentier lumineux ? Arrivée à Lima la boule au ventre, elle retarde le moment
de partir à sa recherche, dans un processus de procrastination. Elle a besoin
de décompresser. Visite la ville, a une aventure avec Rafael, le serveur de
l'hôtel, l'accompagnant dans un carnaval où elle danse sans compter. Mais il
faut bien honorer sa promesse. Au volant d'une vieille américaine, la voici
partie dans une sierra movie, guidée par Lucia, jeune humanitaire, qui devient
son amie et amante. Arrivée à Cerro de Pasco, la plus haute ville minière au
monde, elle rencontre des militants qui luttent pour les droits des
travailleurs de cette cité hors normes. Ils ont connu sa mère, lui en parlent
avec respect et lui conseillent d'aller à Cuzco, l'ancienne capitale des Incas,
à 3600 mètres, pour rencontrer un chaman. Cette rencontre sera déterminante,
mais avant de lui dire ce qu'il sait, le chaman tient à l'initier à la mochica,
la vieille culture inca, en ingurgitant une décoction de plantes qui va la
faire dormir. A son réveil, elle se sent sereine et prête à affronter la
vérité, alors que la veille elle était angoissée. Le chaman la conduit alors à
un hospice où elle retrouve enfin sa mère. Mais celle-ci ne la reconnaît pas,
même si elle paraît contente de recevoir la visite de cette inconnue. Il ne
s'agit pas d'Alzheimer. Pauline sait que la plupart des humanitaires reviennent
souvent avec des troubles mentaux. Elle comprend que les épreuves que sa mère a
traversées l'ont perturbée à un tel point qu'elle a gommé de sa mémoire tous
ses souvenirs. D'abord accablée, Pauline se dit que sa mère semble heureuse et
que c'est l'essentiel. Et elle comprend ce que voulait dire le chaman
lorsqu'elle devait d'abord se trouver, en buvant cette décoction mochica. En
venant au Pérou, il s'agissait d'une double quête, retrouver sa mère, accepter
ce qu'elle était devenue, pour être enfin en paix avec elle-même... Ce roman
nous entraîne sur les chemins escarpés des Andes péruviennes à la rencontre de
populations parfois misérables, toujours ancrées dans les traditions incas,
dans le sillage d'une jeune femme qui oscillera sans cesse de l'angoisse au
bonheur. Mais qui repartira apaisée, riche de toutes ces rencontres effectuées
tout au long de son parcours.